Les pesticides, ces substances chimiques conçues pour lutter contre les organismes nuisibles aux cultures, représentent un danger significatif pour la santé humaine et l’environnement. Leur utilisation intensive dans l’agriculture moderne a conduit à une contamination généralisée des sols, de l’eau et des aliments. Les effets néfastes sur la santé incluent des risques accrus de cancers, de troubles neurologiques et de perturbations endocriniennes. De plus, ces produits contribuent à l’érosion de la biodiversité en affectant les insectes pollinisateurs et d’autres espèces non ciblées. Malgré ces risques avérés, de nombreux pays, notamment dans le Maghreb, continuent d’utiliser des pesticides particulièrement nocifs, souvent interdits ailleurs dans le monde.
Une dépendance toxique aux importations
La Tunisie, bien qu’elle ne produise pas de pesticides, se trouve dans une situation de dépendance préoccupante vis-à-vis de leur importation. En 2022, le pays a importé plus de 4 000 tonnes de ces produits, une quantité certes en baisse par rapport à l’année précédente, mais uniquement en raison de la réduction des surfaces cultivées due à la sécheresse. Cette diminution ne reflète nullement une prise de conscience des dangers liés à l’usage de ces substances.
Plus alarmant encore, la fondation allemande Heinrich-Böll-Stiftung révèle dans son atlas des pesticides que de nombreux produits interdits en Europe continuent d’être utilisés sur le sol tunisien. Parmi eux, 44 matières actives classées comme extrêmement dangereuses, telles que le Chlorpyrifos, ont été homologuées pour l’usage agricole dans le pays. Les conséquences de cette utilisation se font déjà sentir : une étude menée dans le gouvernorat de Sousse en 2018 a mis en évidence des taux de résidus de Chlorpyrifos alarmants dans les tomates, dépassant largement les doses de référence aiguës, particulièrement pour les enfants.
Un cadre réglementaire insuffisant
Si la législation tunisienne en matière de pesticides s’aligne globalement sur les standards internationaux, elle présente néanmoins des lacunes importantes. La protection des groupes vulnérables, notamment les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes, reste insuffisante. Aucune disposition n’interdit explicitement l’utilisation de pesticides par ces populations à risque, ni n’oblige les employeurs à prendre des mesures préventives.
De plus, le pays accuse un retard significatif dans la mise en place de politiques visant à limiter la disponibilité des pesticides les plus dangereux ou à encadrer strictement leurs conditions d’utilisation. L’absence de collecte systématique de données sur la consommation des pesticides par type de culture et leurs effets sur la santé et l’environnement entrave également l’élaboration de stratégies efficaces pour réduire leur impact négatif.
Vers des alternatives durables
Face à cette situation préoccupante, des solutions existent. L’agroécologie et la permaculture se présentent comme des alternatives prometteuses aux pratiques agricoles conventionnelles dépendantes des pesticides. Ces approches holistiques visent non seulement à produire des aliments sains, mais aussi à régénérer les sols et à atténuer les effets du changement climatique.
La transition vers ces modèles agricoles durables nécessite cependant une refonte en profondeur du cadre réglementaire tunisien. Une révision des normes d’homologation des produits phytosanitaires, couplée à un renforcement des contrôles, s’avère indispensable pour protéger la santé des consommateurs et préserver l’environnement.
L’exemple de la filière tomate, fleuron de l’agriculture tunisienne, illustre l’urgence d’agir. Premier producteur mondial de concentré de tomates, le pays autorise l’utilisation de 29 substances actives classées comme hautement dangereuses sur cette culture. Cette situation expose la population à des risques sanitaires considérables, compte tenu de la place centrale qu’occupe la tomate dans le régime alimentaire tunisien.
La transformation du secteur agricole tunisien vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement et de la santé humaine représente un défi de taille. Elle offre néanmoins l’opportunité de construire un modèle agricole résilient, capable de nourrir la population sans compromettre les écosystèmes ni la santé publique. Cette transition nécessitera un effort concerté de la part des autorités, des agriculteurs et de la société civile, mais elle est essentielle pour garantir un avenir durable à l’agriculture maghrébine.
Laisser un commentaire