Maghreb : de plus en plus de manifestations de diplômés sans emploi

Photo : @pierrepllr(medium.com)

À travers le continent africain, une crise silencieuse mais dévastatrice se déploie : le chômage massif des jeunes diplômés. De Dakar à Nairobi, en passant par Le Caire et Johannesburg, des millions de jeunes Africains sortent chaque année des universités avec de grands espoirs, seulement pour se heurter à la dure réalité d’un marché du travail saturé et inadapté. Ce phénomène, qui transcende les frontières et les régions, révèle les défis structurels auxquels font face les économies africaines en pleine mutation. Malgré des taux de croissance parfois impressionnants, de nombreux pays peinent à créer suffisamment d’emplois qualifiés pour absorber cette nouvelle génération éduquée. Les causes sont multiples : inadéquation entre les formations et les besoins du marché, faible diversification économique, persistance d’un secteur informel dominant, et manque d’investissements dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Cette situation alarmante nourrit frustrations et désillusions, menaçant la stabilité sociale et le développement durable du continent.

La quête illusoire de l’emploi public

Dans le Maghreb, et particulièrement en Tunisie, la manifestation du 14 août 2024 de docteurs et doctoresses au chômage devant le ministère de l’Enseignement supérieur illustre une tendance observable dans de nombreux pays africains. La fonction publique, perçue comme un refuge contre les aléas économiques, exerce un attrait puissant sur les jeunes diplômés. Cette quête d’un « mosmar fi hit« , un emploi garanti à vie dans l’administration, révèle une mentalité profondément ancrée qui dépasse les frontières tunisiennes. Du Maroc à l’Égypte, en passant par le Sénégal et le Nigeria, l’État reste vu comme l’employeur de dernier recours, un héritage des politiques post-indépendance qui ont longtemps fait de la fonction publique le principal débouché pour les diplômés.

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Cependant, cette vision est de plus en plus en décalage avec les réalités économiques. Les administrations publiques, souvent pléthoriques et inefficaces, pèsent lourdement sur les budgets nationaux déjà contraints. La masse salariale de la fonction publique représente une part significative des dépenses dans de nombreux pays africains, limitant les investissements dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé ou les infrastructures. Paradoxalement, alors que des milliers de diplômés frappent aux portes des ministères, certains secteurs économiques peinent à recruter des profils qualifiés, révélant un profond dysfonctionnement du système éducatif et du marché du travail.

Vers un nouveau paradigme de l’emploi en Afrique

Face à cette impasse, un changement de paradigme s’impose à l’échelle du continent. L’Afrique ne peut plus se permettre de perpétuer un modèle où l’État est le principal pourvoyeur d’emplois pour les diplômés. La solution passe par une transformation profonde de l’économie, mais aussi des mentalités. Le secteur privé, national et international, doit jouer un rôle central dans la création d’emplois qualifiés. Cela nécessite des politiques volontaristes pour améliorer le climat des affaires, encourager l’innovation et soutenir l’entrepreneuriat.

Parallèlement, une refonte des systèmes éducatifs est indispensable pour aligner les formations sur les besoins réels du marché du travail. L’accent doit être mis sur les compétences pratiques, l’adaptabilité et l’esprit d’entreprise. Des pays comme le Rwanda et le Kenya ont montré la voie en développant des écosystèmes favorables aux start-ups et en promouvant l’économie numérique, créant ainsi de nouvelles opportunités pour leur jeunesse diplômée.

Le défi est immense, mais vital pour l’avenir du continent. Transformer le potentiel de cette jeunesse éduquée en moteur de développement économique et d’innovation est crucial pour l’Afrique. Cela nécessite une action concertée des gouvernements, du secteur privé, des institutions éducatives et des partenaires internationaux.

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Sans une telle mobilisation, le risque est grand de voir une génération entière basculer dans le désenchantement, avec des conséquences potentiellement déstabilisatrices pour toute la région. L’enjeu n’est pas seulement économique, mais aussi social et politique : de la capacité de l’Afrique à offrir des perspectives à sa jeunesse dépend en grande partie la stabilité et la prospérité future du continent.

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