Le Maroc et l’Algérie, deux poids lourds du Maghreb, entretiennent depuis des décennies une relation tumultueuse marquée par des tensions diplomatiques et des désaccords profonds. Si la question épineuse du Sahara occidental cristallise les antagonismes, elle n’est que la partie émergée d’un iceberg de discordes. La Palestine constitue un autre sujet de friction, l’Algérie accusant le Maroc de trahison après la normalisation de ses relations avec Israël en 2020. Les divergences s’étendent également aux enjeux économiques, avec des frontières terrestres fermées depuis 1994, entravant les échanges commerciaux et la libre circulation. La course à l’influence régionale et continentale attise les braises, chaque pays cherchant à s’imposer comme le leader incontesté du Maghreb et un acteur majeur sur la scène africaine. Cette rivalité multiforme façonne non seulement la dynamique régionale, mais a également des répercussions sur la scène internationale, influençant les alliances et les positionnements diplomatiques bien au-delà des frontières nord-africaines. Les deux nations, autrefois unies dans leur lutte contre le colonialisme, se retrouvent aujourd’hui engagées dans une guerre froide régionale qui s’étend des couloirs du pouvoir à Rabat et Alger jusqu’aux tribunes des Nations Unies à New York.
Une joute verbale aux Nations Unies
La dernière manifestation de cette rivalité tenace s’est déroulée dans l’enceinte prestigieuse du Conseil de sécurité de l’ONU. Lors d’un débat présidé par Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, le secrétaire général du ministère algérien des Affaires étrangères, Lounes Magramane, a provoqué l’ire de la délégation marocaine en abordant la question du Sahara. Cette intervention, jugée déplacée par le Maroc, a déclenché une réponse cinglante d’Omar Hilale, ambassadeur et représentant permanent du royaume chérifien auprès des Nations Unies.
Dans une lettre adressée au président et aux membres du Conseil de sécurité, le diplomate marocain a fustigé l’attitude de son homologue algérien, l’accusant d’avoir manqué de respect au président sierra-léonais et d’avoir détourné l’attention d’un débat censé porter sur la représentativité de l’Afrique au sein de l’instance onusienne. Cette escalade verbale illustre la propension des deux pays à instrumentaliser les forums internationaux pour faire valoir leurs positions respectives sur le dossier sahraoui.
Le Sahara : pierre d’achoppement historique
Au cœur de cet échange acerbe se trouve la question lancinante du statut du Sahara occidental. Omar Hilale s’est attaché à déconstruire l’argumentaire algérien, rappelant que ni le droit international, ni les résolutions de l’ONU ne qualifient ce territoire de « colonisé ». Le diplomate marocain a mis en avant la Marche verte de 1975 comme point d’orgue de la décolonisation du Sahara, soulignant que son intégration au royaume est reconnue par les Nations Unies à travers l’Accord de Madrid.
Cette vision est diamétralement opposée à celle défendue par l’Algérie, qui continue de plaider pour l’autodétermination du peuple sahraoui. Le Maroc, quant à lui, propose une solution d’autonomie sous sa souveraineté, une initiative qui gagne du terrain sur la scène internationale, comme en témoigne le récent soutien de la France. Cette divergence fondamentale alimente un cycle de tensions et de provocations diplomatiques qui semblent loin de s’essouffler.
Des implications régionales et internationales
La dispute autour du Sahara occidental dépasse largement le cadre bilatéral pour s’inscrire dans une dynamique régionale et mondiale plus complexe. Le Maroc n’hésite pas à riposter en évoquant la situation en Kabylie, région algérienne où des mouvements autonomistes sont actifs. Cette tactique de « renvoi d’ascenseur » illustre la volonté de Rabat de mettre Alger face à ses propres contradictions en matière de droit à l’autodétermination.
Sur le plan international, cette rivalité influence les alliances et les positionnements diplomatiques. Les deux pays cherchent activement à rallier des soutiens à leur cause, que ce soit auprès des puissances occidentales, des pays africains ou des nations émergentes. Cette compétition acharnée pour l’influence régionale et internationale alimente une course aux armements et une diplomatie agressive qui pèsent sur la stabilité du Maghreb et au-delà.
L’instrumentalisation des forums internationaux, comme l’illustre l’incident au Conseil de sécurité, révèle la profondeur de la fracture entre les deux voisins. Chaque opportunité de dialogue semble se transformer en tribune pour réaffirmer des positions irréconciliables, au détriment des enjeux régionaux et continentaux plus larges. Cette situation de blocage persistant souligne l’urgence d’un dialogue constructif entre les parties prenantes, seule voie vers une résolution durable des multiples conflits qui hypothèquent depuis trop longtemps l’avenir de toute une région. La communauté internationale, tout en reconnaissant la complexité de ces différends historiques, se trouve face au défi de favoriser un rapprochement sans lequel la stabilité et le développement du Maghreb resteront des objectifs lointains.
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