L’exploitation des ressources naturelles africaines par des entreprises étrangères a longtemps été source de tensions sur le continent. Des géants pétroliers comme Shell au Nigeria ou des groupes miniers comme Rio Tinto en Guinée ont fait l’objet de vives critiques pour leur impact environnemental et social. Ces controverses ont souvent opposé les promesses de développement économique aux réalités vécues par les populations locales, confrontées à des déplacements forcés, des pollutions ou des compensations jugées insuffisantes. Dans ce contexte historique chargé, un nouveau chapitre s’écrit aujourd’hui en Afrique de l’Est, où le projet Eacop de TotalEnergies cristallise les inquiétudes et suscite une mobilisation croissante.
Une contestation qui prend de l’ampleur
En Tanzanie et en Ouganda, la grogne monte contre le mégaprojet pétrolier East African Crude Oil Pipeline (Eacop) porté par le géant français TotalEnergies. Malgré les risques de répression, les communautés affectées par ce projet d’oléoduc de 1 443 km reliant l’Ouganda à la côte tanzanienne multiplient les actions de protestation. À Tanga, ville tanzanienne où aboutira l’oléoduc, une centaine de personnes ont manifesté fin août pour dénoncer des compensations insuffisantes et réclamer l’arrêt du chantier. Parmi elles, des agriculteurs privés de leurs terres et des pêcheurs inquiets de l’impact sur leur activité.
En Ouganda, le mouvement de contestation prend également de l’ampleur. À Hoima, épicentre du projet d’exploitation, près de 300 personnes ont tenté de remettre une lettre de doléances aux représentants d’Eacop avant d’être bloquées par la police. Dans la capitale Kampala, une vingtaine de militants écologistes et défenseurs des droits humains ont été arrêtés alors qu’ils marchaient vers le Parlement pour réclamer une transition énergétique plus juste.
Des promesses non tenues et des craintes persistantes
Les griefs des populations locales sont nombreux. Beaucoup dénoncent le non-respect des engagements pris par TotalEnergies et ses partenaires, notamment en matière de compensations financières et alimentaires censées pallier la perte de leurs terres et de leurs moyens de subsistance. Les pêcheurs de Tanga s’inquiètent particulièrement de l’impact du chantier sur leurs zones de pêche et sur la faune marine, perturbée par le bruit des travaux.
Au-delà des aspects économiques, c’est tout un mode de vie qui est menacé pour plus de 100 000 personnes concernées par le tracé de l’oléoduc. La construction d’une jetée offshore de 2 km à Tanga illustre l’ampleur des transformations à venir. Face à ces bouleversements, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une transition vers les énergies renouvelables plutôt que le développement de nouvelles infrastructures pétrolières aux conséquences environnementales incertaines.
Un bras de fer aux enjeux internationaux
Le projet Eacop implique des acteurs bien au-delà des frontières est-africaines. Aux côtés de TotalEnergies, on trouve la compagnie chinoise Cnooc et les sociétés nationales ougandaise et tanzanienne. Cette configuration reflète la complexité des enjeux géopolitiques et économiques autour de l’exploitation pétrolière dans la région.
Face aux critiques, TotalEnergies assure prendre au sérieux les préoccupations des populations et affirme intervenir auprès des autorités en cas d’arrestations de manifestants. Cependant, ces déclarations peinent à convaincre les opposants au projet, qui dénoncent des violations répétées des droits humains. Le bras de fer engagé entre le géant pétrolier et les communautés locales, soutenues par des ONG internationales, pourrait bien devenir emblématique des défis posés par les grands projets extractifs en Afrique à l’heure de l’urgence climatique.
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