Maghreb: la France pourrait mettre fin à un important accord

Bruno Retailleau (CHRISTIAN HARTMANN)

Les relations franco-algériennes, marquées par une histoire complexe et tumultueuse, pourraient connaître un nouveau tournant. Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, les deux pays entretiennent des liens étroits mais souvent tendus, caractérisés par des périodes de rapprochement et de distanciation. La question migratoire, en particulier, demeure un sujet sensible qui cristallise régulièrement les tensions entre Paris et Alger. L’accord bilatéral de 1968, qui régit les conditions d’entrée et de séjour des Algériens en France, constitue la pierre angulaire de cette politique migratoire spécifique. Cependant, cet accord fait l’objet de critiques croissantes et pourrait bientôt être remis en question par le nouveau gouvernement français.

Un durcissement de la politique migratoire française

L’arrivée de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur marque un virage significatif dans la politique migratoire française. Connu pour ses positions fermes sur l’immigration, le nouveau locataire de la Place Beauvau n’a pas tardé à annoncer la couleur. Dès sa prise de fonction, il a exposé sur le plateau du journal télévisé de TF1 les grandes lignes de sa stratégie, axée sur une réduction drastique des flux migratoires et un renforcement des expulsions.

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Retailleau a notamment déclaré vouloir convoquer les préfets des dix départements les plus touchés par ce qu’il qualifie de « désordre migratoire« , afin de leur enjoindre d’intensifier les expulsions et de limiter les régularisations. Cette approche musclée reflète la volonté du gouvernement de répondre aux préoccupations d’une partie de l’électorat français, inquiet face à l’immigration qu’il perçoit comme incontrôlée.

L’accord de 1968 dans la ligne de mire

Au cœur de ce débat se trouve l’accord franco-algérien de 1968, qui accorde aux ressortissants algériens un régime dérogatoire en matière d’immigration. Cet accord, vestige de l’histoire coloniale et post-coloniale entre les deux pays, est de plus en plus contesté par la droite et l’extrême-droite françaises. Des personnalités comme l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, et l’ex-Premier ministre Édouard Philippe, ont déjà plaidé pour sa suppression.

Bruno Retailleau, qui s’était prononcé en faveur de l’abrogation de cet accord lorsqu’il était sénateur, maintient sa position tout en nuançant son propos. « C’est ma position, mais je ne suis pas ministre des Affaires étrangères », a-t-il déclaré, reconnaissant ainsi les limites de ses prérogatives dans ce dossier diplomatiquement sensible. Le ministre a également souligné la nécessité de conclure des accords avec les pays du Maghreb pour freiner l’immigration, citant en exemple les arrangements conclus par l’Italie avec la Tunisie et l’Égypte.

Vers une redéfinition des relations franco-maghrébines ?

La possible suppression de l’accord de 1968 pourrait avoir des répercussions bien au-delà de la simple gestion des flux migratoires. Elle symbolise une volonté de redéfinir les relations entre la France et les pays du Maghreb, notamment l’Algérie. Cette démarche traduit une tendance plus large de réévaluation des liens post-coloniaux et de recherche d’un nouvel équilibre dans les rapports Nord-Sud.

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Toutefois, une telle initiative ne serait pas sans risques. L’abrogation unilatérale de l’accord pourrait provoquer une crise diplomatique avec Alger et compromettre la coopération dans d’autres domaines cruciaux tels que la sécurité régionale et la lutte contre le terrorisme. La France se trouve donc face à un dilemme : répondre aux attentes d’une partie de sa population en matière de contrôle migratoire tout en préservant des relations stratégiques avec ses partenaires maghrébins.

La position de Bruno Retailleau, favorable à la suppression de l’accord de 1968, marque une rupture potentielle avec la politique migratoire actuelle. Cependant, sa volonté affichée de conclure de nouveaux accords avec les pays du Maghreb pour maîtriser les flux migratoires suggère une approche qui cherche à équilibrer fermeté et coopération internationale. L’avenir dira si cette stratégie permettra de concilier les objectifs de contrôle migratoire et de maintien de relations diplomatiques stables avec les pays d’origine des migrants.

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