La baisse de la natalité est devenue un enjeu majeur pour de nombreuses nations développées au cours des dernières décennies. Les pays occidentaux, en particulier, font face à un déclin démographique préoccupant. En Europe, des pays comme l’Italie et l’Espagne ont vu leur taux de fécondité chuter en dessous de 1,3 enfant par femme, bien loin du seuil de renouvellement des générations fixé à 2,1. Aux États-Unis, malgré une situation légèrement plus favorable, le taux est tombé à 1,6 en 2020, son plus bas niveau historique. Le Japon illustre peut-être le cas le plus extrême de cette tendance : avec un taux de fécondité de 1,3 enfant par femme et près d’un tiers de sa population âgée de plus de 65 ans, le pays fait face à des défis démographiques sans précédent. Ces baisses de natalité entraînent un vieillissement rapide de la population, exerçant une pression croissante sur les systèmes de santé et de retraite, tout en réduisant la main-d’œuvre disponible. Face à ce phénomène, de nombreux gouvernements ont mis en place des politiques natalistes, avec des résultats mitigés jusqu’à présent. C’est dans ce contexte mondial que les Émirats arabes unis (EAU), État du Golfe réputé pour sa croissance fulgurante et sa modernité, se trouvent aujourd’hui confrontés à un défi démographique similaire, soulevant des inquiétudes quant à l’avenir de leur identité nationale.
Une transformation démographique rapide
En à peine deux générations, les Émirats arabes unis ont connu une métamorphose démographique spectaculaire. Le taux de fécondité a chuté de manière vertigineuse, diminuant de près de 45% en moins de 50 ans. Cette baisse drastique en un demi-siècle témoigne de l’ampleur et de la rapidité du changement sociétal dans le pays.
Cette évolution se manifeste concrètement dans la structure des familles émiraties modernes. Alors que les familles nombreuses étaient la norme pour la génération des grands-parents, les jeunes couples d’aujourd’hui optent souvent pour des familles plus restreintes. Ce contraste saisissant entre les générations illustre la profondeur de la transformation en cours.
Plusieurs facteurs expliquent cette tendance. L’un des plus significatifs est l’émancipation croissante des femmes émiraties. Encouragées par les politiques gouvernementales à poursuivre des études supérieures et à intégrer le marché du travail, de nombreuses Émiraties choisissent de repousser l’âge du mariage et de la maternité. Les statistiques montrent que plus de la moitié des femmes en âge de travailler occupent désormais un emploi, un taux remarquablement élevé pour la région.
Paradoxalement, la réussite économique fulgurante du pays a également contribué à ce déclin de la natalité. L’augmentation du coût de la vie, particulièrement en ce qui concerne l’éducation et la garde des enfants, dissuade certains couples d’avoir une famille nombreuse. Cette situation rappelle celle observée dans d’autres nations développées, où la prospérité économique s’accompagne souvent d’une baisse du taux de natalité.
Le dilemme de la minorité nationale
La baisse du taux de fécondité s’accompagne d’un autre phénomène qui suscite une inquiétude croissante chez les Émiratis : ils se sentent de plus en plus minoritaires sur leur propre territoire. Les chiffres sont éloquents : les expatriés représentent aujourd’hui environ 90% de la population totale des EAU. Cette proportion, presque sans équivalent dans le monde, est le résultat direct de la stratégie de développement adoptée par le pays depuis les années 1960.
Pour soutenir sa croissance économique vertigineuse, l’ancien État tribal a massivement fait appel à une main-d’œuvre étrangère. Si cette politique a indéniablement contribué à la prospérité du pays, elle a également engendré un profond déséquilibre démographique. Dans les grandes villes comme Dubaï et Abu Dhabi, la population expatriée augmente à un rythme nettement plus rapide que la population locale.
Ce sentiment d’être « submergés » au sein de leur propre nation préoccupe de plus en plus les Émiratis. Des experts en démographie et en sociologie soulignent que cette question est devenue un sujet particulièrement sensible, le fossé entre la population locale et la communauté expatriée ne cessant de se creuser. Cette situation unique pose des défis complexes en termes de cohésion sociale et de préservation de l’identité culturelle émiratie.
Des initiatives gouvernementales face à un défi complexe
Conscientes de ces enjeux, les autorités émiraties ont mis en place une série de mesures visant à encourager la natalité chez les citoyens. Le gouvernement offre depuis longtemps un éventail de subventions aux familles locales, allant des aides au logement aux prêts pour les mariages, en passant par des conseils matrimoniaux et une assistance pour la garde des enfants.
Récemment, de nouveaux programmes de soutien à la croissance des familles émiraties ont vu le jour. Ces initiatives prévoient des incitations financières spécifiques pour les familles nombreuses, avec des avantages croissants à partir du troisième ou du quatrième enfant. Ces mesures témoignent de l’importance accordée par les autorités à la préservation de l’identité nationale à travers le maintien d’une population locale forte.
Cependant, ces initiatives se heurtent à des changements sociétaux profonds. L’allongement du congé maternité et d’autres avantages sociaux, bien qu’appréciables, ne suffiront probablement pas à inverser la tendance démographique actuelle. Le véritable défi pour les EAU sera de trouver un équilibre entre le maintien de leur identité nationale, la poursuite de leur développement économique, et l’adaptation à de nouvelles réalités sociales.
Alors que les grandes villes des EAU prévoient une croissance démographique continue dans les décennies à venir, la question de la place des Émiratis au sein de leur propre société reste entière. L’avenir démographique du pays dépendra de sa capacité à concilier modernité, croissance économique et préservation des valeurs traditionnelles, tout en trouvant des solutions innovantes pour encourager la natalité parmi la population locale.
Cette situation unique des Émirats arabes unis offre un cas d’étude fascinant sur les défis démographiques du 21e siècle. Elle montre comment un pays peut se retrouver confronté à des problématiques similaires à celles des nations occidentales, tout en faisant face à des enjeux qui lui sont propres. La manière dont les EAU navigueront ces eaux troubles pourrait bien servir de modèle – ou de mise en garde – pour d’autres pays en développement rapide dans les années à venir.
Laisser un commentaire