La rivalité entre le Maroc et l’Algérie, deux poids lourds du Maghreb, remonte à plusieurs décennies. Alimentée par des différends territoriaux, notamment la question du Sahara occidental, et des ambitions de leadership régional, cette tension a longtemps miné les efforts d’intégration économique de la région. Les deux pays ont multiplié les initiatives diplomatiques et économiques pour affirmer leur influence, cherchant à tisser des alliances stratégiques avec leurs voisins. Cette compétition acharnée a eu des répercussions profondes sur les dynamiques commerciales et politiques de toute l’Afrique du Nord, forçant les autres pays de la région, comme la Tunisie, à naviguer prudemment entre ces deux géants aux relations tumultueuses.
L’axe Alger-Tunis se renforce
Les derniers chiffres du commerce maghrébin révèlent un bouleversement significatif des équilibres régionaux. La Tunisie, longtemps considérée comme un acteur neutre, semble aujourd’hui pencher nettement du côté algérien. Les exportations tunisiennes vers l’Algérie ont bondi de 40,9% sur les huit premiers mois de 2024, témoignant d’un rapprochement économique sans précédent entre les deux pays. Cette croissance spectaculaire ne se limite pas à un seul secteur, mais englobe une variété de produits, de l’agroalimentaire aux biens manufacturés.
Ce renforcement des liens commerciaux entre Tunis et Alger peut être comparé à une valse économique où l’Algérie mène la danse avec assurance. Les deux partenaires semblent avoir trouvé un rythme commun, leurs économies se complétant mutuellement. L’Algérie, riche en hydrocarbures, offre à la Tunisie une sécurité énergétique cruciale, tandis que cette dernière apporte son savoir-faire dans des secteurs comme le tourisme et les services.
Le Maroc perd du terrain
Pendant que l’axe Alger-Tunis se consolide, le Maroc voit son influence commerciale s’éroder dans la région. Les exportations tunisiennes vers le royaume chérifien ont chuté de 17,2% sur la même période, un recul qui sonne comme un véritable camouflet pour la diplomatie économique marocaine. Cette baisse drastique des échanges commerciaux entre Rabat et Tunis ressemble à un match de tir à la corde où le Maroc perd progressivement prise.
Les raisons de ce déclin sont multiples. Au-delà des simples considérations économiques, des divergences politiques profondes semblent avoir pesé dans la balance. Le manque d’enthousiasme du Maroc pour relancer l’Union du Maghreb Arabe, une structure régionale en sommeil depuis des années, a probablement joué en sa défaveur. De plus, la concurrence accrue sur certains marchés clés, comme l’agriculture et le textile, a pu pousser la Tunisie à chercher des débouchés ailleurs.
Vers une nouvelle configuration régionale ?
Cette évolution des flux commerciaux au Maghreb pourrait bien préfigurer une reconfiguration plus large des alliances régionales. La Tunisie, en se rapprochant de l’Algérie, semble avoir fait un choix stratégique qui pourrait avoir des répercussions bien au-delà de la sphère économique. On peut y voir les prémices d’un nouvel équilibre géopolitique en Afrique du Nord, où l’axe Alger-Tunis deviendrait un pôle d’attraction majeur.
Cependant, il serait prématuré de conclure à un renversement total des alliances. La diplomatie économique est un art subtil, et les pays du Maghreb ont montré par le passé leur capacité à rebondir et à s’adapter aux circonstances changeantes. Le Maroc, malgré ce revers apparent, dispose encore d’atouts considérables et pourrait bien chercher à diversifier ses partenariats pour compenser cette perte d’influence.
L’avenir économique du Maghreb reste donc ouvert. Si la tendance actuelle se confirme, elle pourrait conduire à une intégration économique renforcée entre l’Algérie et la Tunisie, créant potentiellement un marché unifié capable de rivaliser avec les ambitions marocaines. Mais dans cette partie d’échecs économique et diplomatique, chaque mouvement peut entraîner des réactions en chaîne imprévisibles.
Une chose est sûre : la danse des alliances au Maghreb est loin d’être terminée, et les prochains mois promettent d’être riches en rebondissements sur l’échiquier commercial nord-africain.
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