Le blé constitue l’une des denrées agricoles les plus stratégiques du commerce mondial. Cette céréale, pilier de l’alimentation de nombreuses populations, représente un levier d’influence majeur dans les relations internationales. Les principaux pays exportateurs – États-Unis, Russie, Union européenne, Canada, Ukraine – dominent ce marché estimé à plus de 200 millions de tonnes par an, où les enjeux diplomatiques et économiques se mêlent étroitement aux impératifs de sécurité alimentaire des nations importatrices.
La percée russe bouleverse l’échiquier algérien
La Russie a opéré une avancée spectaculaire sur le marché algérien du blé, traditionnellement dominé par la France. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le pays des Tsars a exporté 2,3 millions de tonnes vers l’Algérie en 2023/2024, captant plus du quart des importations totales. Cette montée en puissance s’est accélérée depuis la modification des critères techniques par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) en octobre 2020, notamment concernant le taux de grains punaisés désormais fixé à 0,5%. Les prévisions pour 2024/2025 renforcent cette tendance, avec des projections d’importations russes atteignant 3 millions de tonnes.
Un défi de compétitivité pour la France
La France, autrefois partenaire privilégié de l’Algérie dans le secteur céréalier, peine à maintenir sa position. L’exclusion des exportateurs français d’un récent appel d’offres de l’OAIC a souligné cette fragilisation. Si certains y voient une conséquence des tensions diplomatiques autour du Sahara occidental, les experts pointent surtout un problème de compétitivité. François Luguenot, analyste des marchés agricoles, souligne que la question dépasse les simples considérations politiques : face aux prix agressifs proposés par les concurrents de la mer Noire, le blé français peine à rivaliser.
L’Algérie entre dépendance et diversification
L’Algérie, avec une consommation annuelle de 11 millions de tonnes de blé pour une production locale de seulement 3 millions de tonnes, reste fortement dépendante des importations. Le pays consacre chaque année plus de 1,5 milliard de dollars à ses achats de blé. Cette situation pousse les autorités algériennes à diversifier leurs sources d’approvisionnement, privilégiant désormais les fournisseurs offrant les meilleures conditions économiques. La Russie, grâce à sa politique de prix compétitifs, tire profit de cette stratégie au détriment des exportateurs français, qui voient leur influence historique s’éroder progressivement sur ce marché crucial du Maghreb.
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