La mer Méditerranée demeure l’une des routes migratoires les plus empruntées au monde. Chaque année, des milliers de migrants tentent la traversée depuis les côtes africaines vers l’Europe, principalement via trois corridors : la route occidentale reliant le Maroc à l’Espagne, la route centrale de la Libye et la Tunisie vers l’Italie, et la route orientale depuis la Turquie vers la Grèce. Ces routes, particulièrement dangereuses, ont vu périr des milliers de personnes depuis 2014. Les migrants, fuyant guerres, persécutions ou misère économique, traversent le Sahara pour atteindre les pays du Maghreb, considérés comme des points de transit stratégiques vers le continent européen.
Des abus systématiques contre les migrants subsahariens
La Tunisie, partenaire privilégié de l’Union européenne en matière de contrôle migratoire, fait l’objet d’accusations graves concernant le traitement des migrants subsahariens sur son territoire. Les forces de sécurité tunisiennes, bénéficiant d’un financement européen substantiel, sont pointées du doigt pour des actes de violence systématiques. The Guardian a mis en lumière des cas de viols perpétrés par la garde nationale tunisienne contre des femmes subsahariennes, ainsi que des violences physiques contre des enfants. Ces révélations témoignent d’une collaboration troublante avec des réseaux de passeurs, remettant en question l’intégrité du dispositif sécuritaire financé par l’UE.
L’Europe revoit sa politique de financement
Face à l’accumulation des preuves d’exactions, la Commission européenne modifie son approche. L’institution, qui avait initialement accordé une enveloppe de 105 millions d’euros à la Tunisie pour renforcer ses contrôles migratoires, élabore désormais des conditions strictes liées au respect des droits humains pour ses futurs versements. Cette décision intervient après qu’Emily O’Reilly, médiatrice européenne, a critiqué le manque de transparence de la Commission concernant sa connaissance des violations des droits en Tunisie. Les résultats de cette politique restrictive se traduisent par une diminution notable des arrivées irrégulières en Europe, avec une baisse de 38% des franchissements aux frontières de l’UE en 2024.
Un modèle de coopération contesté
La stratégie européenne de sous-traitance du contrôle migratoire soulève des questions éthiques majeures. Les organisations de défense des droits humains documentent des expulsions collectives particulièrement cruelles à la frontière algérienne, où des migrants sont abandonnés dans le désert par températures extrêmes, sans eau ni vivres. Ce schéma rappelle la situation en Libye, autre partenaire de l’UE depuis 2017, où les migrants interceptés en mer subissent tortures et travail forcé dans des centres de détention. La remise en question de l’accord avec la Tunisie pourrait annoncer une révision globale des partenariats migratoires européens, jusqu’ici centrés sur l’externalisation des contrôles au détriment des droits fondamentaux.
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