Le Bénin, connu pour son expérience démocratique solide en Afrique de l’Ouest, est confronté à un nouvel épisode politique qui suscite un vif débat. Il s’agit de la question de la nouvelle République soulevée depuis quelques jours. Sur le sujet, Christian Lagnidé, ancienne figure politique et entrepreneur, a déposé un recours devant la Cour constitutionnelle pour demander l’éclairage des sages. On se demande quelles sont les motivations de cette démarche? Quelle que soit la réponse à cette interrogation, le Président Sossa et les siens se retrouvent face à une responsabilité historique.
Le concept de « nouvelle République » est évoqué depuis quelques jours par certains Béninois. Après le show médiatique de Bertin Koovi sur la question, c’est un ouvrage écrit par Apollinaire Akoutodji qui a davantage reposé le débat. Le mandat du président Patrice Talon, marqué par des réformes critiquées par l’opposition et certains Béninois, ajoute une dimension sensible à cette affaire. Dans ce contexte, la saisine de Christian Lagnidé prend un relief particulier.
Saisine de la cour constitutionnelle : stratégie politique ou démarche citoyenne ?
La démarche de Christian Lagnidé soulève des interrogations. Est-ce une tentative de regagner de l’influence dans la majorité présidentielle, ou bien un acte visant à éclairer l’opinion publique ? La frontière entre ces deux motivations reste floue. On se rappelle que vers la fin du mandat de Boni Yayi, Hermès Gbaguidi avait saisi la Cour constitutionnelle sur la question de 39+1 qui avait fait couler beaucoup d’encre et de salive.
En effet, en perspective des élections présidentielles du 28 février 2016, le bureau politique du parti l’Union fait la force (Uff) avait procédé à la sélection d’une liste de candidats potentiels à soumettre au congrès dudit parti prévu pour le 20 juin 2015. Après analyse des différentes candidatures, alors qu’il a retenu la candidature de M Atao M. Hinnouho, né vers 1976, le bureau politique de l’Uff a rejeté celle de Hermès Gbaguidi, 3ème candidat proposé, motif pris de ce que né le 19 novembre 1976, il ne remplirait pas les conditions prévues par l’article 44, 4ème tiret de la constitution du 11 décembre 1990.
Selon Hermès Gbaguidi, le requérant, le bureau politique de l’Uff, qui a confondu « 40 ans au moins » à « 40 ans révolus au moins », a violé les articles 7 de la déclaration universelle des droits de l’Homme et 26 de la constitution béninoise.
Saisie par requête en date du 11 mai 2015, la Cour constitutionnelle, s’appuyant sur le principe général de droit selon lequel les citoyens sont égaux devant la loi, a décidé que Hermès Gbaguidi, né le 19 novembre 1976, satisfait aux exigences de l’article 44, 4ème tiret de la Constitution, au motif que ledit article « indique que pour être candidat à l’élection du président de la République il faut être âgé de 40 ans au moins à la date du dépôt des candidatures ; que la date du dépôt des candidatures pour l’élection du président de la République se situe dans l’année de l’élection ; qu’il en résulte que pour être candidat à l’élection du président de la République, il faut être âgé de 40 ans au cours de l’année de l’élection ; que l’âge atteint par une personne au cours d’une année civile donnée, c’est-à-dire, à une date quelconque de cette année correspond à l’âge atteint par cette personne au 31 décembre de l’année en question en application de l’adage de droit français « année commencée, année acquise », du latin, « annus incoeptus habetur pro completo », qui signifie : « l’année entamée doit être tenue pour écoulée ».
Il avait alors circulé dans l’opinion à l’époque que cette démarche de Hermès Gbaguidi avait pour but de profiter à l’ancien ministre d’Etat Komi Koutché qui n’avait pas encore 40 ans révolus pour être candidat à l’élection de 2016. Sommes-nous dans la même démarche avec Christian Lagnidé ? Ou alors, s’agit-il d’un citoyen qui veut des clarifications sur la question ? La démarche de Christian Lagnidé divise les opinions. Pour certains, il s’agit d’un acte citoyen courageux, visant à protéger la souveraineté populaire et les principes démocratiques établis en 1990. Pour d’autres en revanche, c’est une stratégie politique. En tout cas, quel que soit le cas, Dorothée Sossa et les siens ont du pain sur la planche.
Les sages de la Cour constitutionnelle face à une responsabilité historique
La Cour constitutionnelle du Bénin, souvent décrite comme la gardienne des principes démocratiques, joue un rôle crucial dans cette affaire. Depuis sa création, elle a été à plusieurs reprises sollicitée pour se prononcer sur des sujets politiques majeurs, consolidant ainsi son statut d’institution de référence en Afrique.
Dans le cadre de cette saisine, les juges constitutionnels doivent se prononcer sur des questions fondamentales : la révision de 2019 comme le dit Apollinaire Akoutodji dans son ouvrage efface-t-elle la constitution de 1990 pour établir une nouvelle République ? Si oui, quels sont les principes fondateurs de cette nouvelle République ? Si non pourquoi n’avoir pas déclaré contraire à la constitution la modification du principe de laïcité de l’Etat par la reconnaissance des chefferies traditionnelles ?
Quelle que soit l’issue de cette affaire, elle marque un tournant dans l’histoire politique du Bénin. La Cour constitutionnelle, en tant qu’arbitre ultime, devra rendre une décision éclairée qui réconcilie le respect de la Constitution avec les aspirations légitimes des différentes chapelles politiques. (Rejoignez la famille des abonnés de la chaîne WhatsApp de La Nouvelle Tribune en cliquant sur le lien https://whatsapp.com/channel/0029VaCgIOFL2ATyQ6GSS91x)
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