Depuis 1961, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) incarnait la puissance d’influence des États-Unis dans le monde. Avec un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, représentant 42% de l’aide humanitaire mondiale, elle menait des programmes dans 120 pays. Ses 10 000 employés orchestraient des projets essentiels en santé, éducation, agriculture et reconstruction post-conflit. Cette présence stratégique permettait aux États-Unis de tisser des liens durables tout en diffusant leurs valeurs à travers le globe.
La santé publique mondiale en péril
La suspension brutale de l’USAID menace des millions de vies dépendantes des programmes de santé américains. Le programme Pepfar, pilier de la lutte contre le sida, vacille alors qu’il traitait vingt millions de personnes. En Afrique du Sud, première population séropositive mondiale, les patients ne peuvent déjà plus accéder aux soins. Aux Philippines, la distribution de vaccins contre la tuberculose s’arrête net, tandis qu’en Éthiopie, les centres nutritionnels ferment leurs portes, menaçant vingt millions de personnes de famine. Cette rupture des chaînes de soins risque d’annihiler des décennies de progrès sanitaires, notamment dans la lutte contre le paludisme où l’USAID fournissait un milliard de dollars annuels, au moment même où une nouvelle espèce de moustique résistant menace l’Afrique de l’Est.
Les infrastructures vitales en suspens
Le démantèlement paralyse également la reconstruction et le développement des infrastructures essentielles. Au Cambodge, les opérations de déminage sont brutalement interrompues dans l’un des territoires les plus minés au monde. En Syrie, les chantiers de réhabilitation des réseaux d’eau et d’assainissement sont à l’arrêt. Dans le Yémen déchiré par la guerre, les distributions d’argent qui permettaient de maintenir l’économie locale cessent. Au Mozambique, les programmes agricoles destinés aux populations déplacées par l’insurrection se trouvent gelés. Cette paralysie touche aussi bien l’Ukraine, premier bénéficiaire en 2023, que le Soudan du Sud où 73% des habitants dépendent de l’aide internationale, alors que le pays doit gérer l’afflux d’un million de réfugiés fuyant le conflit soudanais.
Un retrait qui profite aux rivaux des États-Unis
Le démantèlement de l’USAID constitue une aubaine diplomatique pour les adversaires de Washington. La Russie, qui avait banni l’agence en 2012 en l’accusant d’ingérence, célèbre sa disparition. La Chine, engagée dans une intense compétition d’influence notamment en Afrique et en Asie, trouve une occasion inespérée d’étendre son emprise. Dans des pays stratégiques comme l’Éthiopie, la Jordanie ou les Philippines, le vide laissé par les États-Unis ouvre la voie à de nouveaux acteurs. Ce retrait précipité de l’aide internationale américaine, représentant pourtant seulement 1% du budget fédéral, pourrait ainsi remodeler durablement l’échiquier géopolitique mondial au détriment des intérêts américains.
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