Le blé constitue un pilier fondamental de l’alimentation quotidienne des populations maghrébines. Aliment de base par excellence, il se retrouve sous diverses formes dans la cuisine traditionnelle – du pain qui accompagne chaque repas au couscous emblématique de la région. Cette céréale représente non seulement un élément culturel essentiel mais aussi un enjeu stratégique majeur pour la sécurité alimentaire des pays du Maghreb. Historiquement dépendants des importations pour satisfaire leur demande intérieure, ces nations font face à une vulnérabilité croissante face aux fluctuations des marchés internationaux et aux tensions géopolitiques affectant les approvisionnements. L’autosuffisance en blé représente donc un objectif prioritaire pour garantir la stabilité sociale et économique de la région.
Une ambition algérienne sans précédent
L’Algérie vient d’annoncer une décision audacieuse concernant sa politique agricole. Selon les déclarations de Youcef Cherfa, ministre algérien de l’Agriculture lors d’une visite dans la wilaya de Boumerdès le 24 mars 2025, le pays cessera complètement ses importations de blé dès 2026. Cette annonce marque un tournant radical pour ce pays traditionnellement importateur net de cette céréale stratégique.
Les chiffres témoignent de l’ampleur du défi. En 2024, la production céréalière algérienne a atteint approximativement 22,2 millions de quintaux. L’objectif fixé pour 2025 est plus que triplé, avec une production visée de 71 millions de quintaux. Cette progression spectaculaire repose sur un ensemble de mesures concrètes plutôt que sur des ambitions théoriques.
Des investissements massifs pour transformer le secteur agricole
Pour concrétiser cette vision d’autonomie céréalière, l’Algérie déploie une stratégie multidimensionnelle. Le pays mise notamment sur l’expansion considérable des terres agricoles irriguées, dont la superficie totale devrait atteindre 3 millions d’hectares d’ici quatre ans.
Le renforcement des infrastructures de stockage constitue un autre axe prioritaire. Actuellement dotée de capacités permettant d’entreposer 4 millions de tonnes de céréales, l’Algérie prévoit de plus que doubler ce chiffre pour atteindre 9 millions de tonnes à l’horizon 2026.
Ces transformations s’accompagnent d’un soutien accru aux agriculteurs locaux. L’ensemble de ces initiatives témoigne d’une volonté politique forte de renforcer la souveraineté alimentaire du pays et de réduire sa dépendance aux marchés extérieurs, particulièrement instables ces dernières années.
Bien que l’ambition soit considérable, elle repose sur des investissements stratégiques substantiels et un engagement gouvernemental manifeste envers le développement du secteur agricole national.
Conséquences pour les fournisseurs traditionnels de céréales
Cette quête d’autosuffisance algérienne pourrait rebattre les cartes sur le marché céréalier international. Les fournisseurs traditionnels de l’Algérie – principalement la France, le Canada, les États-Unis et la Russie – devront reconsidérer leurs stratégies commerciales face à la disparition programmée de ce client majeur. Pour la France notamment, qui a longtemps bénéficié de relations commerciales privilégiées avec Alger dans ce secteur, l’impact économique pourrait s’avérer significatif. Les exportateurs devront rediriger leurs flux commerciaux vers d’autres marchés émergents, potentiellement moins lucratifs ou plus concurrentiels. Cette reconfiguration des échanges mondiaux de blé pourrait également influencer les cours internationaux, avec des répercussions potentielles sur d’autres pays importateurs de la région nord-africaine. La transition de l’Algérie du statut d’importateur à celui d’acteur autonome constitue ainsi un signal fort pour l’ensemble des opérateurs du marché céréalier mondial.
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