Dans la compétition silencieuse que se livrent les pays du Maghreb pour capter l’attention des géants de l’automobile, chaque annonce d’implantation industrielle résonne comme un signal stratégique. L’Algérie, longtemps restée prudente dans son approche, revient aujourd’hui dans la course avec une initiative concrète portée par un acteur chinois émergent : Jetour. Cette avancée pourrait redéfinir les contours d’un secteur encore en construction, mais riche de promesses.
Une relance industrielle portée par une réhabilitation intelligente
C’est dans l’ancienne usine Kia de Batna, remise à neuf et confiée à la gestion de l’entreprise publique Fondal, que Jetour va entamer sa production. Plutôt que d’investir dans une structure vierge, les partenaires ont préféré redonner vie à une infrastructure déjà existante, illustrant une forme d’efficacité économique dans la mise en place de ce projet.
Ce choix permet à la production de démarrer dans un délai plus court, avec des coûts réduits et une logistique déjà en partie maîtrisée. Il s’agit d’un exemple de transition industrielle maîtrisée, où la modernisation d’un site existant devient le socle d’une stratégie à long terme. Ce type de redéploiement des capacités industrielles, souvent observé dans les économies émergentes, limite les obstacles initiaux tout en préparant le terrain pour une montée en charge progressive.
Une stratégie d’assemblage évolutive au service de l’autonomie
La première phase opérationnelle repose sur le système SKD (Semi Knocked Down), qui consiste à assembler des véhicules à partir de kits semi-préparés. Ce procédé, déjà utilisé dans d’autres pays comme levier d’apprentissage et de démarrage rapide, permet à Jetour Algérie de poser les bases d’une production maîtrisée sans attendre une chaîne d’approvisionnement locale complète.
Mais cette étape n’est pas une fin en soi : l’objectif clairement annoncé est de passer au CKD (Completely Knocked Down) à mesure que les capacités locales se développent. Ce changement de méthode, qui nécessite un assemblage à partir de pièces détachées plus nombreuses, implique le renforcement de tout un écosystème industriel — fournisseurs, logistique, main-d’œuvre formée — et marque une avancée vers une véritable industrie nationale de l’automobile.
Un accord structurant au cœur d’une stratégie régionale
Si aujourd’hui les premiers véhicules sortent des chaînes de montage, c’est grâce à un accord signé plusieurs mois plus tôt, en avril 2025, entre Fondal et Jetour. Ce partenariat engage un investissement de plus de 105 millions de dollars sur une période de cinq ans, avec des ambitions à la fois industrielles et économiques. La signature de cet accord a été saluée par les autorités locales, notamment à travers un communiqué officiel relayé sur la page Facebook de la wilaya de Batna.
Ce développement s’insère dans une dynamique plus large de repositionnement industriel pour l’Algérie, qui cherche à se détacher de sa dépendance chronique aux importations automobiles. En créant les conditions d’une production locale soutenue par une technologie importée, le pays espère structurer une filière capable de répondre aux besoins du marché intérieur tout en ouvrant des perspectives d’exportation.
L’arrivée de Jetour à Batna n’est pas seulement une nouvelle ligne d’assemblage. C’est le symbole d’une stratégie plus large : miser sur l’existant pour aller plus vite, tout en préparant l’avenir par une intégration locale progressive. Dans un Maghreb où chaque pays affine ses méthodes pour séduire les constructeurs mondiaux, l’Algérie montre qu’elle est prête à accélérer. À condition de réussir cette montée en compétence, le pays pourrait bien devenir un acteur industriel crédible, avec des voitures qui portent, enfin, une signature locale.
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