Depuis plus d’une décennie, Pékin étend méthodiquement ses liens commerciaux et stratégiques à travers le globe via les “nouvelles routes de la soie”, une initiative tentaculaire connue sous le nom de Belt and Road. Derrière les ports, les chemins de fer et les accords de coopération, la Chine tisse des alliances, sécurise des débouchés pour ses industries et déploie une diplomatie économique d’une envergure inédite. Plus qu’un simple programme d’infrastructures, ce projet vise à redessiner les relations internationales selon des logiques qui échappent aux anciens schémas d’influence occidentaux. En rejoignant récemment cette initiative, la Colombie n’a pas seulement accepté de nouveaux partenariats économiques — elle a également ouvert la porte à une coopération militaire qui marque un tournant stratégique inattendu dans la région.
La Colombie, nouvelle pièce sur l’échiquier asiatique
C’est une première pour la Colombie : elle se rapproche de la Chine non seulement sur le plan commercial, mais désormais aussi dans le domaine de la défense. Ce virage a été initié discrètement, avant de devenir pleinement visible à l’occasion de la visite du président Gustavo Petro à Pékin, où un accord de défense a été signé sous les caméras, dans le cadre du forum Chine-CELAC. Ce geste hautement symbolique survient peu après que Bogotá a officiellement adhéré à l’Initiative Belt and Road, devenant ainsi le 23ᵉ pays latino-américain à intégrer le projet chinois.
Cette nouvelle proximité a immédiatement donné lieu à une offre stratégique : la Chine aurait proposé la vente de 24 avions de chasse J-10CE, connus pour leur puissance en postcombustion et leur maniabilité en combat aérien. Pékin insiste sur le fait que ces appareils ont été « testés au combat« , une façon de démontrer leur fiabilité et leur efficacité opérationnelle. Mais au-delà des performances techniques, ce sont les conditions de l’offre qui retiennent l’attention : pas de restrictions sur l’utilisation, pas de blocage de pièces détachées, et aucun droit de regard sur leur déploiement. Un contraste saisissant avec les politiques de contrôle imposées par d’autres pays exportateurs d’armement.
Diplomatie aérienne : entre puissance de feu et message politique
Ce geste n’est pas isolé. Il intervient dans un contexte où la Chine cherche à renforcer sa position en Amérique latine, longtemps considérée comme chasse gardée de Washington. Le président colombien a publié la vidéo de la signature sur X (ex-Twitter), accompagnée d’un message qui sonne comme une déclaration d’indépendance stratégique : la Colombie entend désormais traiter avec toutes les puissances, sans tutelle ni hiérarchie. Le message est clair : Bogotá affirme sa volonté de sortir de l’orbite exclusive des États-Unis.
La dimension symbolique de cette acquisition potentielle est considérable. En s’équipant auprès de la Chine, la Colombie ne fait pas qu’acquérir des avions ; elle affirme un choix d’alliance. Ce choix, encore à l’étude au sein de l’état-major colombien, est déjà perçu comme un signal d’ouverture vers de nouvelles sphères d’influence. Des sources proches du dossier indiquent que le président Petro aurait sollicité l’avis du commandant de l’armée de l’air sur les capacités du J-10C, signe que la proposition est sérieusement envisagée.
Vers un nouvel équilibre continental
L’entrée de la Colombie dans l’orbite stratégique de Pékin ouvre une séquence inédite en Amérique latine. Alors que plusieurs pays du continent ont déjà rejoint la Belt and Road pour des raisons économiques, peu avaient franchi le pas vers une coopération militaire de cette nature. Si l’accord se concrétise, il fera de la Colombie un partenaire-clef dans le dispositif d’exportation d’armement chinois, tout en remettant en question la domination sécuritaire exercée depuis des décennies par les États-Unis dans la région.
La Chine, en s’engageant à fournir des équipements militaires sans condition politique, propose un nouveau type de partenariat fondé sur la non-ingérence. Une offre séduisante pour des pays désireux de diversifier leurs alliances et de renforcer leur autonomie stratégique. Le “cadeau” du J-10C, au-delà de sa valeur technique, agit comme un levier diplomatique : il lie plus étroitement deux nations qui, jusqu’ici, évoluaient sur des orbites parallèles.
L’avenir dira si cet échange marquera le début d’un rééquilibrage durable des alliances sur le continent américain. Pour l’heure, la Chine avance ses pions avec méthode, et la Colombie semble prête à jouer un rôle central dans cette nouvelle partie.




« testés au combat » veut dire a abattu des Rafales