Balance commerciale excédentaire au Sénégal : entre enthousiasme et réserve

Pendant plus d’une décennie, les colonnes du commerce extérieur sénégalais affichaient invariablement un rouge persistant : chaque année depuis 2009, le pays importait bien plus qu’il n’exportait. Ce déséquilibre chronique, devenu presque structurel, semblait inscrit dans la trajectoire économique nationale. Pourtant les derniers chiffres publiés pour février 2025 viennent bousculer cette tendance. Le Sénégal signe un excédent de sa balance commerciale à hauteur de 84 milliards de francs CFA, une amélioration brutale et spectaculaire de plus de 500 milliards par rapport au mois précédent. Un basculement aussi rapide qu’inhabituel, qui soulève autant d’interrogations qu’il suscite d’engouement..

Une inversion spectaculaire après des années de déficit

L’écart entre les exportations et les importations s’est brutalement renversé. En janvier 2025, le pays affichait encore un déficit massif de 416,9 milliards de francs CFA. Un mois plus tard, le solde devient positif. Une telle évolution en aussi peu de temps semble presque contre-intuitive pour une économie sans changement structurel profond en si peu de jours. Ce saut s’explique, pour une large part, par l’envolée des exportations de ressources naturelles, notamment les hydrocarbures. Depuis la mise en production progressive des champs offshore, le Sénégal entre dans la catégorie des pays exportateurs de pétrole et de gaz, ce qui dope mécaniquement les recettes extérieures.

Mais derrière cette embellie, des économistes pointent du doigt le caractère fragile de cette performance. Car si l’excédent commercial repose essentiellement sur la vente de matières premières volatiles, il ne reflète pas nécessairement un renforcement durable de la compétitivité du tissu productif national.

L’ombre portée des hydrocarbures

S’appuyer massivement sur l’exportation de ressources naturelles pour équilibrer la balance commerciale revient à marcher sur une corde raide. Le marché des hydrocarbures obéit à des dynamiques extérieures échappant au contrôle du pays : décisions géopolitiques, crises internationales, évolutions technologiques ou changements dans les politiques climatiques. Cette volatilité rend l’excédent fragile, susceptible d’être effacé à la moindre secousse sur les marchés mondiaux.

Autre bémol soulevé : la faible transformation locale. Si les hydrocarbures quittent le pays sous forme brute, la valeur ajoutée reste limitée. L’économie nationale, dans ce cas, ne tire qu’un bénéfice partiel de ses propres richesses. Cette situation interroge aussi sur la répartition des bénéfices : les entreprises exploitantes, souvent étrangères, rapatrient une grande partie des revenus, laissant l’État sénégalais dépendant de la fiscalité indirecte et des redevances.

Une occasion à ne pas manquer

Ce premier excédent depuis des années n’est pas une fin en soi, mais un signal. Il révèle un potentiel, certes, mais aussi une vulnérabilité. Pour qu’il marque un réel tournant, il devra être consolidé par une montée en puissance d’autres secteurs porteurs : agriculture transformée, industrie locale, services numériques, tourisme durable. Le défi pour les décideurs ne sera pas seulement de reproduire cet excédent, mais de le diversifier, pour qu’il repose sur des bases solides et inclusives.

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