Longtemps considéré comme une ressource critique pour les programmes nucléaires civils et militaires, l’uranium reste au centre des équilibres énergétiques mondiaux. Sa capacité à produire une énergie dense et sans émission directe de CO₂ le rend incontournable dans les stratégies de transition énergétique. Pourtant, son extraction terrestre repose sur des gisements inégalement répartis, avec des coûts variables et une disponibilité à long terme incertaine. Dans ce contexte, les océans, bien que contenant des quantités d’uranium immensément supérieures aux réserves terrestres, n’ont jamais été exploités à grande échelle, faute de solutions économiquement viables. Jusqu’à aujourd’hui.
Une technologie électrochimique au rendement inattendu
Selon la revue spécialisée New Scientist, Des chercheurs chinois, menés par le professeur Shuangyin Wang, affirment avoir conçu un procédé électrochimique capable de récupérer l’ensemble de l’uranium dissous dans une eau simulant les conditions océaniques, en moins d’une heure. Contrairement aux approches classiques reposant sur des matériaux absorbants comme le charbon ou les résines, leur dispositif repose sur deux électrodes en cuivre, polarisées de manière opposée. Ce système crée un champ électrique suffisant pour attirer et isoler les ions d’uranium avec une efficacité rarement atteinte dans les expériences antérieures.
L’un des points les plus marquants de cette avancée est le taux de récupération affiché : 100 % des ions présents auraient été extraits, selon les résultats publiés. En comparaison, les méthodes utilisant des surfaces absorbantes peinent généralement à capturer plus d’un dixième des atomes ciblés. Cette performance technique pourrait bien repositionner les ambitions autour de l’exploitation de l’uranium marin.
Une réduction des coûts qui bouleverse les équilibres
Mais c’est du côté des coûts que cette innovation pourrait avoir le plus grand impact. Le nouveau procédé reviendrait à environ 83 dollars pour chaque kilogramme d’uranium récupéré, soit un tarif nettement inférieur aux solutions utilisées jusqu’ici. À titre de comparaison, les systèmes les plus perfectionnés d’adsorption affichent un coût double, tandis que les versions antérieures d’extraction électrochimique s’approchaient des 360 dollars par kilogramme.
Ce résultat n’est pas seulement lié à l’amélioration du rendement : la simplicité du dispositif et l’usage de matériaux courants, comme le cuivre, jouent un rôle déterminant. Moins énergivore, cette méthode pourrait aussi faciliter la construction d’installations en série, réduisant d’autant les dépenses d’infrastructure.
Un potentiel stratégique encore à confirmer
L’enjeu dépasse la simple performance technique. Si cette méthode s’avère transposable à des volumes industriels, elle pourrait rebattre les cartes de l’accès mondial à l’uranium. La capacité à extraire ce métal depuis les mers, accessibles à de nombreux États, offrirait une alternative aux gisements terrestres concentrés dans quelques régions. Pour Pékin, qui investit massivement dans le nucléaire pour réduire sa dépendance aux énergies fossiles, cette innovation pourrait se transformer en atout stratégique.
Elle permettrait également d’envisager une nouvelle génération d’usines capables de puiser directement dans les ressources marines sans dépendre de filières minières classiques, souvent confrontées à des tensions politiques ou environnementales. Si les prochaines étapes de validation confirment la faisabilité du procédé à plus grande échelle, l’uranium océanique pourrait bien passer du statut de curiosité scientifique à celui de solution concrète face aux défis énergétiques à venir.
Laisser un commentaire