Sénégal : Un appel au boycott des dons de l’ambassade d’Israël pour la Tabaski

Depuis 45 ans, le Sénégal occupe une place singulière dans les relations internationales autour de la question palestinienne. En tant que président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, créé en 1975 par l’ONU, le pays s’est imposé comme un interlocuteur actif dans la défense des intérêts palestiniens. Cette posture historique n’a jamais été purement formelle. Elle a nourri, au fil du temps, une sensibilité particulière au sein de la société civile sénégalaise, sensible aux injustices vécues par le peuple palestinien. C’est dans cette matrice d’engagement que s’inscrit l’appel lancé dernièrement, à quelques jour de la Tabaski (aid el adha), une fête au cours de laquelle les dons en bétail prennent une dimension aussi religieuse que sociale.

Le rejet d’un geste perçu comme politique

Chaque année depuis 2006, l’ambassade d’Israël au Sénégal organise la distribution de moutons destinés aux familles les plus modestes, une action de bienfaisance qui, jusqu’ici, se déroulait sans grand écho médiatique. Mais cette fois, plusieurs organisations pro-palestiniennes sénégalaises ont brisé le silence. Elles demandent aux populations de refuser fermement les moutons offerts par la représentation diplomatique israélienne, perçus comme une opération d’image visant à adoucir les critiques face aux actions de l’État d’Israël à Gaza et en Cisjordanie. Pour ces associations, accepter ces dons reviendrait à minimiser les souffrances des Palestiniens, dans un contexte où les tensions au Proche-Orient restent vives et fortement médiatisées.

Le message est clair : il ne s’agit pas simplement d’un acte caritatif, mais d’un enjeu moral et politique. Les moutons deviennent ainsi, aux yeux des militants, des objets chargés de sens. Ce que certains peuvent voir comme un geste humanitaire est interprété par d’autres comme une tentative de normalisation des relations dans un cadre jugé inacceptable. L’ambassade, elle, reste discrète, préférant laisser parler l’acte plutôt que de s’engager dans une polémique.

Une fête sous tension et des consciences partagées

Alors que la Tabaski approche, les appels au boycott soulèvent des dilemmes concrets dans un pays où les inégalités économiques rendent l’accès au mouton de sacrifice difficile pour de nombreuses familles. L’initiative de l’ambassade représente, pour certains, une opportunité de soulager un poids financier important. Pour d’autres, accepter serait une trahison silencieuse envers un combat qu’ils jugent fondamental.

Ce nouvel épisode révèle à quel point les relations internationales peuvent se répercuter jusque dans les actes du quotidien. Un mouton, en apparence anodin, peut se transformer en marqueur de positionnement politique. Au Sénégal, où l’attachement à la cause palestinienne est ancien, le sacrifice rituel de cette année s’accompagne d’une interrogation éthique inhabituelle : que vaut un geste de bienfaisance quand il est jugé incompatible avec une mémoire politique collective ?

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