Immigration en Europe : l’Italie réalise un exploit

Giorgia Meloni © Riccardo Fabi / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Depuis les années 1990, les États européens ont multiplié les mécanismes pour contenir les flux migratoires irréguliers vers leur territoire. Barrières physiques aux frontières, contrôles renforcés dans les pays de transit, coopération avec des États tiers, externalisation de l’asile ou encore recours croissant à Frontex : la panoplie s’est étoffée au fil du temps, sans pour autant freiner durablement les traversées. À chaque crise politique ou économique en Méditerranée ou en Afrique subsaharienne, les chiffres remontaient. Cette instabilité des flux a longtemps mis à mal l’efficacité des mesures prises. Pourtant, en 2024, un pays en particulier semble avoir franchi une étape décisive : l’Italie.

Des centres hors frontières pour éviter l’afflux

Pour répondre à une pression migratoire persistante, l’Italie a misé sur une solution inédite à l’échelle européenne : l’ouverture de centres d’accueil en dehors de son territoire. Deux structures ont ainsi été implantées en Albanie pour prendre en charge les migrants interceptés en mer avant qu’ils n’atteignent les côtes italiennes. L’idée : gérer les demandes d’asile hors du pays, tout en maintenant un encadrement juridique et logistique. Cette approche permet non seulement de filtrer les arrivées, mais aussi de désengorger les dispositifs d’accueil traditionnels.

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Parallèlement, l’Italie a renforcé ses liens avec la Libye et la Tunisie, deux points de départ majeurs pour les traversées maritimes. Les autorités italiennes y ont mené des opérations conjointes avec les forces locales, freinant dès l’origine les tentatives de départ. Résultat : près de 200.000 migrants ont été stoppés avant même de prendre la mer en 2024. Une coopération qui va jusqu’au rapatriement coordonné de milliers de personnes, sans transiter par l’Italie.

Une chute des arrivées qui marque les esprits

Le ministère de l’Intérieur italien a récemment communiqué des données illustrant cette évolution : le nombre d’arrivées sur le sol italien est passé d’environ 50.000 en 2023 à un peu plus de 20.000 en 2024. Cette diminution de 60 % est présentée comme un succès par le gouvernement dirigé par Giorgia Meloni, pour qui la lutte contre l’immigration irrégulière reste une priorité. Membre du parti Fratelli d’Italia, elle défend une ligne de fermeté, tout en mettant en avant les effets tangibles de cette politique.

Cet infléchissement des flux s’explique aussi par une coordination accrue avec les forces de l’ordre dans les pays d’origine et de transit. Des actions ciblées contre les réseaux de passeurs et un partage renforcé d’informations ont permis une répression plus efficace des filières clandestines. La stratégie s’appuie donc autant sur la dissuasion que sur le contrôle direct des itinéraires migratoires.

Un modèle qui interroge autant qu’il intrigue

L’expérience italienne pourrait inspirer d’autres pays européens, mais elle ne fait pas l’unanimité. Des voix s’élèvent déjà sur les risques de contournement des droits fondamentaux et les conséquences pour les demandeurs d’asile. Les installations en Albanie, bien que présentées comme un compromis humanitaire, suscitent des interrogations sur les conditions d’accueil et la conformité au droit international.

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Reste à savoir si cette méthode, centrée sur la délocalisation du traitement migratoire, pourra se maintenir dans la durée. Sa réussite dépendra en partie de la stabilité des accords passés avec les pays tiers, mais aussi de la capacité à éviter des tensions diplomatiques ou des critiques d’organisations de défense des droits. Pour l’heure, l’Italie revendique un tournant dans sa gestion des flux, avec des résultats chiffrés qui alimentent un débat bien au-delà de ses frontières.

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