Lorsque l’OTAN fut fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, son objectif principal était clair : contenir l’expansion soviétique. Pendant toute la Guerre froide, Moscou fut au cœur des préoccupations sécuritaires de l’Alliance. Après l’effondrement de l’URSS, l’organisation militaire s’est transformée, élargissant ses missions, mais sans jamais perdre de vue la Russie comme source potentielle d’instabilité. Ce statu quo a basculé en 2014, lorsque l’annexion de la Crimée par Moscou a ravivé les tensions, réactivant la menace russe dans l’imaginaire stratégique occidental. Toutefois, au fil des années, un autre acteur s’est discrètement imposé dans l’équation : la Chine. D’abord perçue comme une puissance économique, elle s’affirme aujourd’hui comme un rival militaire de premier ordre, redessinant les contours du défi auquel l’OTAN fait face.
Le virage pris par l’Alliance n’est donc pas le fruit d’un basculement soudain, mais le résultat d’un double constat : d’un côté, une Russie qui multiplie les provocations militaires sur le flanc Est de l’Europe ; de l’autre, une Chine dont les ambitions dans l’espace indo-pacifique suscitent de vives inquiétudes, en particulier à propos de Taïwan.
Une montée en puissance chinoise qui interroge
Présent lors d’un point d’information précédant le sommet de l’OTAN à La Haye, Mark Rutte, secrétaire général de l’Alliance, a mis en garde ce mardi, contre l’ampleur des capacités militaires que la Chine développe à un rythme soutenu. Ce n’est pas uniquement une question de budget ou d’armement, mais de logique industrielle. Pékin, en quelques années, a propulsé plusieurs de ses groupes dans le peloton de tête des fournisseurs mondiaux de défense. Ce bond est loin d’être anodin : il reflète un tournant stratégique dont les répercussions dépassent la région asiatique.
L’évolution du complexe militaro-industriel chinois, combinée à une rhétorique de plus en plus affirmée sur Taïwan, inquiète les partenaires de l’OTAN dans la zone pacifique. Des pays comme le Japon ou l’Australie, bien que non membres, entretiennent désormais une coopération approfondie avec l’Alliance. Cette collaboration n’est pas théorique : elle répond à une crainte partagée d’un basculement militaire aux conséquences globales.
Moscou et Pékin : des tensions croisées qui fragilisent l’équilibre
Le scénario d’une confrontation autour de Taïwan ne laisse pas les alliés de l’OTAN indifférents. Au contraire, il alimente une inquiétude stratégique plus large : en cas d’escalade en Asie, la Russie pourrait tirer parti de la distraction des puissances occidentales pour intensifier ses propres initiatives en Europe. Un conflit à l’Est de l’Asie détournerait ressources, attention diplomatique et capacités militaires vers le Pacifique, affaiblissant temporairement la surveillance et la dissuasion sur le flanc oriental de l’Alliance.
Le Kremlin n’aurait pas besoin d’un alignement formel avec Pékin pour agir. Il lui suffirait de tirer profit d’un vide ou d’un relâchement de la pression. Ainsi, l’idée d’un front simultané – l’un en mer de Chine, l’autre à la frontière ukrainienne ou ailleurs en Europe – devient une hypothèse crédible dans les cercles stratégiques. Cette dynamique à double foyer constitue précisément le type de scénario que les responsables de l’OTAN cherchent à anticiper dans leurs préparatifs de défense.
L’OTAN fait aujourd’hui face à deux puissances dont les stratégies se complètent sans nécessairement s’aligner. La Russie joue la carte de l’instabilité régionale, tandis que la Chine bâtit une force de dissuasion à portée mondiale. Ce tandem, qu’il soit coordonné ou non, force l’Alliance à renforcer ses capacités, resserrer ses liens et repenser son périmètre d’action. La défense collective n’est plus seulement une promesse de paix, mais une réponse structurée à une géopolitique devenue instable et imprévisible.
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