Il y a moins d’un an, les villages du département de Bakel se réveillaient les pieds dans l’eau, envahis par les crues du fleuve Sénégal. Le ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Tine, avait alors parcouru la zone en pirogue, tentant de joindre les localités enclavées et de rassurer des populations sinistrées. Malgré l’urgence, les réponses structurelles sont restées limitées. Le président du conseil départemental en appelait déjà à des solutions durables, comme l’édification de digues. Aujourd’hui, alors que la saison des pluies s’installe, les autorités tentent d’anticiper plutôt que de réagir, en mettant l’accent sur la coordination régionale et l’activation préventive des dispositifs existants.
Un CRD pour anticiper, pas pour réparer
Ce mardi 24 juin à Tambacounda, le ministre de l’Intérieur a présidé une réunion stratégique réunissant préfets, maires, techniciens et services de secours, tous conviés autour d’une table pour un CRD spécial axé sur la gestion des inondations. Mais cette fois, il n’était pas question de faire le bilan d’une catastrophe, mais d’éviter sa survenue. Selon Jean-Baptiste Tine, la mobilisation des services déconcentrés à tous les échelons – régional, départemental et communal – est désormais perçue comme une condition essentielle à l’efficacité de la riposte. En clair, si cette chaîne fonctionne sans rupture, l’activation du plan ORSEC pourrait devenir superflue.
Ce positionnement marque un changement de ton. Habituellement déclenché en réponse à une crise majeure, le plan ORSEC – Organisation de la Réponse de Sécurité Civile – est le filet de sécurité ultime de l’État. Il permet de déployer en urgence des moyens humains et logistiques conséquents : pompes, tentes, équipes d’intervention, appui militaire. Mais son activation implique également que la crise a échappé aux mécanismes ordinaires. Cette année, les autorités préfèrent prévenir que devoir réparer. C’est donc la capacité des collectivités à anticiper, alerter, canaliser et intervenir à leur niveau qui pourrait faire la différence.
Cartographier les risques, renforcer les liens
Sur un autre front, la Direction de la Prévention et de la Gestion des Inondations (DPGI) multiplie les descentes dans les zones jugées vulnérables. Loin d’être une cellule administrative isolée, cette direction pilote un maillage complexe d’acteurs : ingénieurs, météorologues, agents municipaux, secouristes. Son objectif : non seulement suivre les niveaux de précipitations attendus, mais surtout renforcer la capacité d’alerte locale. Car dans nombre de localités le problème n’est pas toujours la pluie, mais l’absence de structures capables d’en canaliser les conséquences.
L’idée qui se dégage des dernières réunions et déplacements est celle d’un réseau où chaque acteur joue un rôle précis pour éviter l’emballement. À défaut de pouvoir contrôler les nuages, le gouvernement mise sur l’intelligence collective, la pré-position de matériel d’intervention, la communication en temps réel entre services, et des exercices de simulation pour ne pas être pris de court. Cette logique repose sur l’agilité plus que sur la force brute.
Une saison sous surveillance
Alors que les prévisions climatiques annoncent des précipitations supérieures à la moyenne dans plusieurs régions du pays, la période à venir pourrait mettre à l’épreuve cette nouvelle approche. Ce que le ministre a laissé entendre à Tambacounda, c’est que la gestion des inondations ne peut plus être une affaire de dernière minute ni un rituel annuel de sauvetage. Il s’agit désormais de construire des réflexes partagés, d’installer durablement des solutions intermédiaires – même temporaires – et de maintenir un état d’alerte permanent dans les zones exposées.
Les prochaines semaines diront si cette stratégie permet de contenir les eaux avant qu’elles n’engloutissent à nouveau des maisons, des routes ou des récoltes. En attendant, le pays est à l’écoute de ses fleuves, de ses vallées et de son ciel. Les pluies ne préviennent pas, mais le Sénégal, lui, a décidé de ne pas attendre.



