En pleine séance plénière à l’Assemblée nationale, Saliou Ndione, député de la majorité et membre du parti Pastef, a choisi de faire un geste qui ne serait pas passé inaperçu : une écharpe aux couleurs de la Palestine posée sur ses épaules, face aux caméras et aux députés. Le président de l’hémicycle, El Malick Ndiaye, n’a pas tardé à rappeler à l’ordre en invoquant la nécessaire neutralité des lieux. Il a annoncé, dans la foulée, une mesure à venir interdisant tout signe distinctif pendant les travaux parlementaires.
Sur les réseaux sociaux, la scène a déclenché une salve de commentaires. Entre ceux qui saluent le courage du député et ceux qui dénoncent un geste inopportun, la polémique a rapidement débordé du cadre institutionnel. La symbolique internationale s’est heurtée à une mémoire nationale encore vive, exposant une fracture entre devoir de représentation globale et impératifs de justice intérieure.
La mémoire des martyrs oubliés
Si l’écharpe a voulu dire Palestine, certains y ont vu un silence sur le Sénégal. Sur X, plusieurs sympathisants du parti au pouvoir ont fustigé l’initiative, estimant que l’élan de solidarité aurait pu – voire dû – d’abord honorer la mémoire des jeunes morts lors des manifestations de 2021 à 2023. Le nom de Saliou Ndione a alors été associé à une forme d’amnésie sélective, certains allant jusqu’à lui reprocher de détourner l’attention des promesses non tenues.
Ce rappel douloureux a ravivé les critiques contre le flou persistant autour de l’application de la loi d’amnistie, récemment interprétée par le Conseil constitutionnel. De nombreuses familles attendent encore des gestes forts ou des signaux institutionnels à la hauteur de leurs pertes. Dans ce contexte, chaque symbole exhibé à l’Assemblée devient un miroir tendu à l’État, scruté à la fois pour ce qu’il affirme et pour ce qu’il tait.
Liberté d’expression ou provocation ?
Confronté à la controverse, le député a pris la parole sur X pour défendre son choix. Selon lui, aucune règle actuelle n’interdit un tel accessoire. Il a affirmé que sa démarche relevait d’une volonté d’élargir les marges d’expression au sein des institutions, et non d’enfreindre un quelconque règlement. Une explication qui a trouvé un certain écho, mais qui n’a pas suffi à éteindre les critiques.
Au fond, cette séquence met en lumière un débat plus profond : celui de la place que doivent occuper les engagements personnels dans l’espace parlementaire. L’Assemblée est-elle seulement une enceinte délibérative, ou peut-elle aussi être un lieu de symboles et de causes ? La sortie de Saliou Ndione aura eu au moins un mérite : forcer les parlementaires à repenser collectivement le sens des gestes politiques dans une institution qui cherche encore ses nouveaux repères.



