Sénégal : Un comité pour une refonte concertée des Daaras

Le jeudi 26 juin 2025 marque une étape significative dans le processus de modernisation des Daaras au Sénégal, avec l’installation officielle du Comité de pilotage des Assises nationales, sous l’égide du ministre de l’Éducation nationale, Moustapha Guirassy. Cette dynamique s’inscrit dans une suite logique d’engagements pris par le président Bassirou Diomaye Faye, notamment lors de la Journée nationale des Daaras, célébrée en novembre 2024 au Dakar Arena. À cette occasion, le chef de l’État avait rendu un hommage appuyé à ces institutions coraniques, les érigeant en piliers de la mémoire collective et de la formation morale du pays. Il avait aussi pris l’engagement solennel de leur donner une place structurante dans l’architecture éducative sénégalaise, en respectant leur ancrage spirituel.

Ce soutien politique s’est concrétisé en mai 2025 par le lancement officiel des Assises nationales des Daaras, une première dans l’histoire éducative du pays. Il ne s’agissait plus seulement de discours d’intention, mais d’une volonté d’inscrire ces écoles religieuses dans une trajectoire de réforme sérieuse, réfléchie et inclusive. L’objectif est double : préserver leur essence et les adapter aux exigences du monde contemporain.

Une commission pour des solutions durables

Installé à Dakar lors d’une cérémonie solennelle, le Comité de pilotage rassemble des personnalités issues de diverses sphères : associations islamiques, dignitaires religieux, pédagogues spécialisés dans l’enseignement arabo-islamique, représentants de l’État, experts en politiques publiques et membres de la société civile. Ce large éventail d’acteurs témoigne de la volonté de construire une réforme partagée, nourrie par les réalités de terrain aussi bien que par les orientations nationales.

Dans son allocution, Moustapha Guirassy a insisté sur la méthode : un espace d’échanges libres, respectueux et féconds. Il a exhorté les participants à la sincérité, à l’engagement et à la rigueur, rappelant que le devenir des Daaras ne pouvait être traité avec légèreté. Le ministre a souligné que les travaux du comité ne doivent pas aboutir à une simple formalisation technocratique, mais à une co-construction de solutions ancrées dans les réalités sociales, culturelles et religieuses du pays.

Le comité devra notamment répondre à plusieurs questions fondamentales : comment assurer la protection et le bien-être des enfants talibés ? Comment harmoniser les contenus pédagogiques tout en respectant la diversité des écoles ? Comment offrir aux maîtres coraniques un statut professionnel et une formation continue ? Et surtout, comment faire en sorte que ces établissements puissent coexister de façon complémentaire avec les écoles publiques et privées formelles ?

Entre héritage spirituel et défis de modernisation

Les Daaras occupent une place singulière dans l’imaginaire collectif sénégalais. Bien avant l’instauration d’un système scolaire moderne, ils ont formé des générations entières à la lecture, à la récitation et à la mémorisation du Coran. Ils sont aussi des lieux de socialisation, de transmission de la discipline, du respect de l’autorité et de la solidarité. Pourtant, malgré leur poids historique et leur importance sociale, ils sont restés longtemps à la marge des politiques éducatives. Cette mise à l’écart a nourri des dysfonctionnements : conditions de vie précaires pour les pensionnaires, absence de supervision pédagogique, manque de ressources et méconnaissance de leurs apports réels.

Le processus enclenché par les Assises est donc l’occasion de rompre avec cette approche cloisonnée. Il s’agit désormais de reconnaître les Daaras comme une composante légitime et complémentaire de l’éducation au Sénégal, avec leurs spécificités mais aussi avec des droits et des devoirs. L’État souhaite favoriser une meilleure régulation, promouvoir des standards éducatifs minimaux, et surtout bâtir des passerelles pour que les enfants issus des Daaras puissent, s’ils le souhaitent, rejoindre d’autres circuits éducatifs ou professionnels.

Pour les familles religieuses et les acteurs des Daaras, le défi est aussi de faire évoluer leurs pratiques tout en préservant l’essence du projet spirituel. Cela suppose une capacité d’adaptation, une ouverture aux partenariats, et une volonté d’auto-évaluation constante. Les mois à venir seront cruciaux : les premières recommandations du comité sont attendues d’ici la fin de l’année, avec à la clé, peut-être, une nouvelle ère pour l’enseignement islamique au Sénégal.

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