Sénégal : Une impasse judiciaire que l'Etat tarde à résoudre

La justice sénégalaise traverse une nouvelle période de blocage, aggravant l’attente et les incertitudes des citoyens en quête de décisions judiciaires. Derrière les murs des tribunaux silencieux, ce sont des familles, des victimes, des accusés et leurs avocats qui subissent l’impact direct d’un bras de fer prolongé entre les syndicats de la justice et le gouvernement, resté étonnamment muet.

Trois jours de blocage total

Durant ces trois derniers jours, la quasi-totalité des juridictions sénégalaises ont suspendu leurs audiences. Une paralysie assumée par le Syndicat des Travailleurs de la Justice (SYTJUST) et l’Union Nationale des Travailleurs de la Justice (UNTJ), qui dénoncent l’absence de réponse institutionnelle à leurs revendications. Les couloirs d’habitude animés des tribunaux ont laissé place à un silence pesant. Les salles d’audience sont restées vides, et les greffes inactifs. Pour les syndicats, il s’agit d’un acte fort visant à rappeler que sans les agents de justice, aucun rouage de l’État de droit ne peut fonctionner normalement.

Le communiqué commun des syndicats pointe une responsabilité évidente des autorités dans ce blocage. Ni le ministère de la Justice, ni celui de la Fonction publique n’a engagé le moindre dialogue, malgré la dégradation manifeste du service public. Ce désintérêt perçu comme un mépris alimente la frustration des agents, et ajoute à la complexité de la crise.

Les justiciables, otages d’un silence administratif

Pendant que les agents revendiquent, ce sont les citoyens qui paient le prix fort. Les retards s’accumulent sur les procédures, les décisions sont suspendues à une date inconnue, et la confiance dans l’appareil judiciaire continue de s’éroder. Pour ceux en détention provisoire, l’absence d’audience peut signifier plusieurs jours, voire semaines supplémentaires derrière les barreaux sans jugement. Pour les familles, c’est l’incertitude et la colère. La lenteur de la justice, déjà dénoncée par de nombreuses organisations, se transforme ici en blocage institutionnel.

Les avocats, eux aussi impactés, voient leurs dossiers gelés. Certaines affaires urgentes, comme les contentieux familiaux ou les procédures de liberté, se retrouvent sans issue immédiate. Une réalité qui souligne combien les travailleurs de la justice – greffiers, secrétaires, agents de sécurité judiciaire – constituent bien plus qu’un maillon administratif : ils sont les piliers invisibles de la machine judiciaire.

Le mutisme de l’État

Ce nouvel épisode de grève révèle une inertie gouvernementale préoccupante. En dépit des appels à la négociation, les autorités n’ont offert aucune ouverture, ni sur le fond, ni sur la forme. Ce mutisme alimente une impression de déconnexion entre le pouvoir central et les réalités des juridictions. En laissant perdurer cette situation, l’État semble se protéger d’un conflit qu’il juge peut-être mineur, sans mesurer qu’il touche au fondement même de la confiance citoyenne.

La justice ne peut être reléguée à un service accessoire. Elle est l’un des garants de la paix sociale, du règlement des conflits et du respect des droits. Ignorer les revendications de ceux qui assurent son bon fonctionnement revient à affaiblir toute l’architecture démocratique. Les syndicats, de leur côté, semblent décidés à maintenir la pression. Si rien n’évolue, ce mouvement pourrait se prolonger, aggravant encore la situation des justiciables, et fragilisant davantage l’image de l’État face à ses propres engagements en matière de gouvernance.

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