Armement : la France veut-elle sauter le pas dans le domaine des moteurs ?

Photo Florent Vergnes - AFP

Alors que la guerre en Ukraine continue de façonner l’approche militaire des États européens, les équipements de terrain sont de nouveau au cœur des priorités. Les capacités d’adaptation, la consommation énergétique et la discrétion opérationnelle sont redevenues essentielles dans un contexte où chaque avantage technologique peut infléchir l’issue d’un affrontement. Ce conflit a non seulement remis en lumière l’importance des stocks de munitions et de blindés modernes, mais il a aussi ouvert la voie à une réflexion sur les performances énergétiques des véhicules militaires. Dans cette dynamique, la France explore une piste qui pourrait, à terme, transformer la motorisation de ses blindés.

Le pari d’un Griffon hybride

Le ministère des Armées a récemment lancé une campagne d’évaluation d’un démonstrateur de VBMR Griffon à propulsion hybride. Ce modèle, doté à la fois d’un moteur thermique et d’un moteur électrique, fait l’objet de tests dans plusieurs sites militaires – Angers, Bourges, Canjuers et Biscarrosse – avec pour objectif de vérifier ses performances globales dans des environnements variés. L’autonomie, la mobilité, la furtivité et la capacité de gestion énergétique sont passées au crible durant cette phase d’expérimentation prévue pour durer six mois.

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Si cette évolution peut sembler marginale, elle s’inscrit dans une volonté de rendre les véhicules plus agiles et plus adaptés aux théâtres d’opération modernes. La double motorisation permet, en effet, d’envisager une approche plus discrète dans les phases d’approche, avec une utilisation du mode électrique pour limiter les signatures sonores et thermiques, éléments particulièrement surveillés par les capteurs ennemis. Cette configuration pourrait ainsi jouer un rôle crucial dans des opérations de reconnaissance ou d’infiltration.

Un changement de paradigme énergétique ?

Le choix de s’orienter vers une motorisation hybride ne répond pas uniquement à des critères d’efficacité opérationnelle. Il reflète aussi une transformation dans la manière dont les armées anticipent la contrainte énergétique sur les champs de bataille. Le Griffon, véhicule blindé de 25 tonnes, mobilise aujourd’hui un moteur de 400 chevaux, bien plus puissant que celui du VAB qu’il remplace. À terme, une version hybride pourrait offrir une réduction significative de la consommation de carburant, ce qui représente un avantage stratégique, logistique et environnemental. Moins de carburant consommé signifie aussi moins de ravitaillements, donc moins de convois vulnérables et plus d’autonomie pour les unités en opération.

L’idée n’est pas nouvelle. Dès 2020, une stratégie énergétique de défense avait été présentée pour encourager ce type de réflexion. Mais les défis techniques et les contraintes industrielles ont freiné sa mise en œuvre. La reprise de ce projet montre une inflexion notable, probablement accélérée par le contexte géopolitique actuel et par la pression croissante pour moderniser l’outil de défense français.

Entre innovation tactique et autonomie stratégique

Au-delà de l’aspect technologique, ce virage vers une motorisation hybride interroge sur la capacité de la France à se doter d’une autonomie industrielle dans ce domaine. Si les pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou la Chine investissent déjà massivement dans les plateformes hybrides, la France semble aujourd’hui vouloir rattraper un certain retard. Cette orientation pourrait, à terme, stimuler la recherche nationale sur les batteries militaires, les systèmes de gestion d’énergie ou encore les chaînes de production adaptées aux contraintes spécifiques de l’armement.

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Le succès du Griffon hybride ne se mesurera pas seulement à sa performance en terrain d’essai. Il servira aussi de révélateur sur la capacité du pays à adapter rapidement son industrie de défense aux enjeux de demain. Ce choix technique, s’il se confirme, pourrait marquer une rupture dans la doctrine de motorisation militaire française, en plaçant l’innovation énergétique au cœur de la stratégie opérationnelle.

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