Cryptomonnaies: saisie aux USA du trésor d'un cartel

Les monnaies numériques, souvent présentées comme une révolution technologique, servent aussi de refuge à l’économie souterraine. Leurs caractéristiques — décentralisation, anonymat, rapidité — en font des outils parfaits pour dissimuler des fortunes issues du crime organisé. Le cartel mexicain de Sinaloa en a pleinement tiré parti, jusqu’à ce qu’une opération majeure des autorités américaines ne vienne perturber ce réseau virtuel.

Des coffres-forts numériques au service des cartels

À Miami, la Drug Enforcement Administration (DEA) et le FBI ont mis la main sur plus de 10 millions de dollars en cryptomonnaies. L’argent, selon les enquêteurs, provenait directement d’activités liées au cartel de Sinaloa. Ces actifs numériques ne circulaient pas dans des sphères spéculatives classiques mais étaient utilisés comme réserve de valeur et comme moyen de paiement pour le trafic de drogue à grande échelle.

Les services américains ont, en parallèle, mené des opérations dans plusieurs États, notamment en Californie, au Texas et en Géorgie. Résultat : plus de 44 millions de pilules de fentanyl saisies, deux tonnes de cette drogue sous forme de poudre, et près de 30 tonnes de méthamphétamine récupérées. L’action des autorités démontre une volonté d’agir à la fois sur les flux physiques de stupéfiants et sur les circuits financiers, souvent numériques, qui assurent leur rentabilité.

Le clan Guzman dans le viseur

La pression judiciaire s’accroît également sur les figures du cartel. Ovidio Guzman Lopez, l’un des fils de Joaquin « El Chapo » Guzman, a plaidé coupable devant un tribunal fédéral à Chicago pour trafic de drogue et appartenance à une organisation criminelle. Cette déclaration pourrait s’accompagner d’une coopération avec la justice américaine, en vue d’obtenir une réduction de peine.

De leur côté, ses frères, surnommés “Los Chapitos”, continuent de se disputer le contrôle de l’organisation. Ils sont visés par de nouvelles sanctions édictées par l’administration Trump, notamment en lien avec leur implication dans le trafic de fentanyl. Les États-Unis offrent désormais jusqu’à 10 millions de dollars pour des informations permettant de les capturer. Ce durcissement de ton montre à quel point les autorités considèrent cette faction comme une menace persistante.

Affaiblir les cartels par le portefeuille

La DEA mise de plus en plus sur une stratégie qui combine répression directe et ciblage financier. Confisquer des drogues ou arrêter des suspects ne suffit plus. Il faut aussi frapper les ressources invisibles : celles qui s’accumulent derrière des écrans, sur des plateformes d’échange, en dehors des circuits bancaires traditionnels. “Frapper les cartels là où ça fait mal”, a résumé Robert Murphy, administrateur par intérim de l’agence.

L’affaire de Miami illustre cette mutation : les réseaux criminels ne se contentent plus de cash ou de virements offshore. Ils investissent dans les monnaies numériques, les utilisent pour blanchir de l’argent et payer des fournisseurs, voire contourner les contrôles douaniers et bancaires. Pour les stopper, les autorités doivent donc apprendre à naviguer dans cet espace dématérialisé, à remonter les chaînes de blocs comme on remonte une piste.

Dans cette guerre asymétrique, les criminels misent sur la discrétion des adresses numériques. Mais les enquêteurs, eux, s’équipent d’algorithmes, de logiciels de traçage et de nouvelles compétences. La saisie des 10 millions de dollars à Miami ne marque pas la fin d’un cycle : elle ouvre un nouveau front, celui d’un affrontement silencieux entre cyber-enquêteurs et cyber-trafiquants.

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