Inondation au Bénin : Quand les eaux engloutissent l'école et les rêves à Athiémé

À Athiémé, dans le département du Mono au sud-ouest du Bénin, la crue du fleuve Mono accompagnée des pluies abondantes et imprévisibles causent des inondations qui mettent en péril l’avenir de nombreux enfants. Écoles inaccessibles, infrastructures scolaires endommagées, habitations ravagées, familles déplacées, récoltes détruites, parents appauvris, enfants affamés. Le tableau est noir.

À cela s’ajoutent les cas récurrents de paludisme, d’éruptions cutanées et autres maladies hydriques comme les infections gastro-intestinales. À Athiémé, les inondations sont essentiellement dues à la crue du fleuve Mono. Cette crue, qui au début des années 2000 pouvait survenir une ou deux fois en une décennie, est devenue un phénomène quasi annuel vers les années 2020 et plus dévastatrice à cause du changement climatique. Le dérèglement du calendrier des pluies et la montée inexorable des eaux du fleuve Mono plongent cette commune dans le chaos.

Les effets du changement climatique se mesurent à Athiémé à travers une lutte quotidienne pour survivre face à l’eau qui discute l’espace. Des maisons effondrées aux récoltes perdues, en passant par les rues boueuses où glissent les enfants, les infrastructures endommagées, les écoles fermées à cause des inondations, et les absences répétées d’apprenants dues à des maladies comme le paludisme, les rêves de centaines d’élèves et de leurs parents sont en sursis.

Patience et prudence pour atteindre l’école

Le 27 mai 2025, aux alentours de 13 heures, à une semaine de l’examen du Certificat d’études primaires (CEP), les élèves de CM2 de l’École primaire publique (EPP) d’Awamé sont rassemblés dans la cour humide de l’établissement. Les directeurs des deux groupes scolaires (A et B) les préparent rigoureusement à l’épreuve de couture de l’examen. Debout, le regard fixé sur leurs encadreurs, les élèves écoutent attentivement les consignes et posent des questions. Dans cette école, les bâtiments sont dégradés et les murs rongés par l’humidité, sont couverts de moisissures. À quelques kilomètres de ce lieu d’apprentissage, la situation est similaire à l’Epp d’Assèdji. D’abord, pour atteindre cette école publique, il faut parcourir avec patience et prudence des ruelles boueuses bordées de broussailles géantes.À l’Epp Assèdji, les plafonds des salles de classe s’effritent et les terrassements sont abîmés. Ces deux écoles primaires, entourées de broussailles, sont dépourvues de clôtures. Les écoliers sont alors exposés aux insectes et aux reptiles.

D’ailleurs, indique le rapport “Analyse du paysage climatique pour les enfants au Bénin” du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), publié en septembre 2024, le « Bénin a été classé parmi les pays à haut risque où le changement climatique affecte le plus les enfants ». Selon 80 % des Organisations non gouvernementales (ONG) de la commune d’Athiémé, rapporte l’organisme onusien, les enfants ne vont plus à l’école pendant la période de crue en raison de la montée des eaux du fleuve Mono. « Les maisons sont détruites, les routes impraticables et les écoles submergées », explique Firmin Adansi, chef de l’arrondissement (CA) central d’Athiémé rencontré dans son bureau le 28 mai 2025. Selon l’autorité, « en ces périodes, la priorité est donnée à la survie ». Les ménages les plus touchés, précise le CA, sont relogés dans des familles d’accueil ou sur des sites aménagés. « Bien que le gouvernement et divers partenaires distribuent des vivres, cette aide reste insuffisante face aux besoins », ajoute-t-il.

Selon les natifs d‘Athiémé, depuis quelques années, la crue du fleuve Mono est devenue plus fréquente. Elle survient entre mi-septembre et octobre et dure jusqu’à fin décembre. La situation est aggravée par des pluies abondantes et imprévisibles. Pour protéger les populations, la sensibilisation contre les risques de noyade est intensifiée en période d’inondation. Pendant ce temps, l’école ferme ses portes et les écoliers en paient les frais.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles

Après les inondations, l’école reprend ses activités. Pour essayer de rattraper le temps perdu, les horaires de cours sont révisés. Les enfants du primaire suivent les cours de 7h à 13h le matin et de 15h à 18h le soir, au lieu de 8h à 12h et 15h à 17h. Les congés et les week-ends sont utilisés pour des séances de rattrapage. Dans les classes d’examen, les enseignants font une course contre la montre. Les cours sont accélérés, la pression monte, la fatigue atteint son paroxysme et les incompréhensions de chapitres d’apprentissage s’accumulent chez les enfants, confient enseignants et élèves. Malgré cela, le programme scolaire doit être achevé, car ces enfants passeront les mêmes examens scolaires que leurs pairs à l’échelle nationale.

Après plusieurs semaines ou mois de privation d’accès à l’instruction en raison des inondations, les enfants retournent dans un environnement éducatif chaotique. « Après les inondations, les insectes se multiplient et piquent les enfants. Il y a beaucoup de cas de paludisme, de fièvre et d’éruptions cutanées. Il y a aussi des maux de ventre et des vomissements », relate Hotis Djatcha, directeur du groupe B de l’Epp Assédji. Dans ces conditions, fait-il savoir, il est difficile de maintenir les enfants à l’école.

L’autre raison qui oblige à garder les enfants hors du cadre scolaire, c’est le problème d’insécurité lié à l’état des voies d’accès. « Il y a un grand bas-fond à quelques mètres du bâtiment qui est au fond. Le sol est glissant. Donc nous sommes très vigilants quant à la sécurité des enfants. L’absence de clôture aggrave la situation », confie Ernest Houédanou, directeur du groupe A de l’Epp Awamé. Ruth Adjagnikpo, élève en classe de CM1 à l’Epp Awamé confie qu’elle est une fois tombée dans ce bas-fond. C’est pourquoi, précise Ernest Houédanou, les enseignants et les parents sont en alerte pour éviter des drames à la reprise des cours après les inondations.

Le rendement scolaire affecté

Alain Gbékou, chef de la division des examens et concours à la circonscription scolaire d’Athiémé, reconnaît que les inondations ont un impact inestimable sur le rendement scolaire des enfants dans la commune. « Les enfants du primaire souffrent plus de ces perturbations de l’année scolaire. Les résultats du CEP laissent souvent beaucoup à désirer à Athiémé comparativement aux autres communes du département du Mono », déplore le chef de l’arrondissement central d’Athiémé. « Ce n’est pas parce que nos enfants sont moins intelligents. Athiémé ne mérite pas cela », s’indigne-t-il. La persistance des perturbations de l’année scolaire par l’inondation, apprend l’autorité locale, pousse des parents et apprenants à se désintéresser de l’école.

 En 2024, où la crue a été moins dévastatrice, les habitants d’Athiémé sont tous joyeux car leur circonscription scolaire a enregistré plus de 82 % de réussite au CEP pour le compte de l’année scolaire 2024-2025. Cela est une preuve qu’Athiémé a des enfants intelligents et résilients.Pagne noué à la poitrine, Tatiana Agbodji, mère de trois élèves dont l’un en 6e, le deuxième au CE2 et le dernier au CI est assise sous un arbre qui sert de point de vente d’akassa, à deux pas de l’EPP Assédji. « On ne peut pas en vouloir à un enfant qui échoue après une année scolaire fortement perturbée, comme il est de coutume à Athiémé depuis cinq ou six ans », estime-t-elle.

Non loin d’elle, passe Kouessi Kada, un coupe-coupe au cou. Habitant d’Assédji, il est père de deux enfants en classe de CM2, dont l’avenir l’inquiète. « Nos enfants manquent l’école parfois pendant des mois à cause des inondations. Pourtant, ils méritent de bonnes conditions d’apprentissage, comme tous les autres enfants du pays », laisse-t-il entendre.

Dans l’après-midi du 27 mai, une pluie s’abat sur le Collège d’enseignement général (Ceg) Athiémé. La cour est submergée en quelques minutes, l’accès aux salles de classe devient un défi. « Lors des fortes inondations, certaines salles de classes deviennent inaccessibles. D’autres sont moins touchées. Pour accéder à ces salles, nous avons commencé à construire des passerelles avec nos propres fonds, mais faute de moyens, nous n’avons pas pu terminer », informe impuissant Éric Degnissodé, surveillant général de ce collège.

Au Bénin, les inondations sont particulièrement accentuées dans les départements du Mono, du Zou, de l’Ouémé, de l’Atlantique et du Littoral, selon l’Unicef. Elles sont causées par la crue, le ruissellement et la remontée de la nappe phréatique. « L’impact des inondations sur la santé des enfants se manifeste par le développement de maladies climato-sensibles telles que le paludisme, la fièvre jaune, la dengue et le choléra », souligne l’organisation dans son rapport “Analyse du paysage climatique pour les enfants au Bénin”.Le gouvernement béninois a pris plusieurs mesures pour soutenir les populations touchées par le changement climatique. Il a mis en place en 2020 le Fonds national de réponse aux catastrophes, renforcé en 2022 la plateforme de réduction des risques de catastrophes et d’adaptation au changement climatique et lancé, en novembre 2024, les travaux de bitumage de la route Adjaha-Athiémé sur 70 km. Les cantines scolaires apportent aussi un réconfort aux apprenants et à leurs familles. En dépit de ces efforts, les enfants d’Athiémé vivent toujours le calvaire pour survivre et aller à l’école. Toutefois, l’espoir demeure. « Nous sommes debout, les yeux ouverts et les bras tendus », déclare le CA. Parents, enseignants et autorités locales appellent à des actions plus fortes pour atténuer les effets du changement climatique, particulièrement sur les enfants et leur scolarité à Athiémé.

2 réflexions au sujet de “Inondation au Bénin : Quand les eaux engloutissent l'école et les rêves à Athiémé”

  1. Le Mono et le Couffo sont précisément des continent souvent négligés par les dirigeants au Bénin, parce que n’était pas issus de ces lieux. Mêmes ceux qui sont issus du gouvernement venant du Nord, n’ont pas fait grandes choses pour les leurs, ils préferent offrir des tricycles aux agriculteurs de leurs villages, en lieu et place des tracteurs. Détourner les milliards pour envoyer leurs enfants à l’étranger dans le plan de pouvoir les ramener reprendre les ministères et la tête des institutions qu’ils dirigent présentement.

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  2. Malgré les progrès de la gouvernance de Talon ; le ver est toujours dans le fruit. Raison pour laquelle au soir de son mandat ; Talon ne doit pas se détourner des objectifs prioritaires de développement . Le chemin est encore long. Ce à quoi on assiste ces derniers jours avec des nominations d’ambassadeurs thématiques, la nationalité de ce pays à des prétendus Afro-descendants m’interroge. On se détourne des vrais défis . La souffrance de nos populations.
    Cherchez l’erreur.

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