Maghreb : appel pour une coopération africaine en matière de retraite

Malgré une population majoritairement jeune, l’Afrique ne peut plus remettre à plus tard la structuration de régimes de retraite solides. Le défi est de taille : de nombreux pays africains peinent encore à couvrir leur population active avec des mécanismes formels de protection sociale. Les travailleurs du secteur informel, qui représentent parfois plus de 80 % de la main-d’œuvre, restent en grande partie exclus des dispositifs existants. Faute de cotisations régulières, les caisses de retraite peinent à se financer durablement. En parallèle, le vieillissement progressif de certaines populations urbaines et l’urbanisation rapide rendent la question d’une couverture retraite plus urgente que jamais. Les modèles importés, calqués sur ceux des pays occidentaux, ont souvent échoué à s’enraciner localement. Résultat : des systèmes fragmentés, inégalitaires et peu résilients face aux crises économiques ou démographiques. Face à cet état des lieux, l’idée d’une réponse africaine, construite autour de réalités communes et de solutions concertées, prend un sens nouveau.

Penser autrement les dispositifs de demain

Lors d’une allocution à distance le 10 juillet à Marrakech au Maroc, dans le cadre de la sixième rencontre de l’Association africaine des régimes de retraite, la ministre des Finances Mme Nadia Fettah a proposé une approche ambitieuse et structurée. Pour elle, il devient essentiel de réinventer les mécanismes existants autour de certains grands axes : revoir les normes qui encadrent ces régimes pour les rendre plus agiles, concevoir des outils qui prennent racine dans les pratiques socio-économiques locales, et faire circuler les savoirs entre pays. Elle a mis l’accent sur la nécessité d’un pilotage intelligent, basé sur des méthodes modernes, interconnectées et adaptées à la réalité africaine. Le continent, selon elle, possède toutes les ressources nécessaires – humaines, technologiques et institutionnelles – pour bâtir des schémas originaux et efficaces. Il ne s’agit plus de calquer des formules venues d’ailleurs, mais de forger des réponses à partir du terrain.

Solidarité régionale et intelligence collective

Plutôt que de multiplier les efforts isolés, une coordination à l’échelle continentale apparaît comme une voie prometteuse. Imaginer des structures partagées, comme des plateformes numériques communes ou des dispositifs de transferts de droits entre travailleurs mobiles, pourrait transformer l’accès à la retraite pour des millions d’Africains. Ce type de coopération ouvrirait la voie à une meilleure équité entre pays, à une plus grande transparence dans la gestion des fonds, et à une optimisation des ressources disponibles. En s’appuyant sur les réussites déjà observées dans certains États, l’idée serait de bâtir un socle commun qui facilite l’expérimentation, l’évaluation et la diffusion des bonnes pratiques. Les institutions publiques ne sont pas seules concernées : les acteurs communautaires, les entreprises sociales ou encore les innovateurs technologiques ont aussi un rôle crucial à jouer dans cette construction.

La retraite ne doit plus être perçue comme un luxe réservé à une élite urbaine salariée. Pour l’Afrique, c’est une promesse sociale fondamentale, qui touche à la stabilité des familles, à la paix sociale et à la croissance inclusive. L’appel lancé à Marrakech marque une étape vers cette prise de conscience. À l’heure où le continent cherche à redéfinir ses priorités de développement, la coopération en matière de retraite n’est pas un dossier périphérique. Elle est au contraire au cœur des politiques publiques de demain.

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