Maroc : Mehdi Hijaouy, l’homme à abattre ?

À la croisée des services secrets, des affaires troubles et d’un exil mouvementé, le nom de Mehdi Hijaouy ressurgit dans l’actualité judiciaire et diplomatique. Ancien cadre de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), le renseignement extérieur marocain, Hijaouy a longtemps cultivé l’image d’un expert de l’ombre. Pourtant, derrière ce vernis sécuritaire, le parcours de l’homme semble semé de manipulations, de fausses identités et de relations compromettantes. Démis de ses fonctions il y a une quinzaine d’années, officiellement pour « faute professionnelle grave », il a tenté une reconversion dans le monde du lobbying et de la sécurité privée. Mais loin de redorer son image, ses nouvelles activités ont éveillé les soupçons des autorités marocaines, qui le soupçonnent désormais d’avoir basculé dans des réseaux à la frontière du crime organisé. Aujourd’hui, traqué par Rabat, recherché par Interpol, réfugié mais invisible en Espagne, Mehdi Hijaouy est devenu une pièce encombrante dans un échiquier diplomatique tendu.

Conflit judiciaire et bras de fer politique

Pendant que le Maroc réclame son extradition, ses défenseurs en France, Vincent Brengarth et William Bourdon, s’activent pour faire lever le mandat d’arrêt émis par Interpol. Ils soutiennent que leur client est la cible d’une offensive motivée par des enjeux politiques internes, et non par des faits pénaux avérés. Les chefs d’accusation évoqués par Rabat sont multiples : participation à un groupe criminel, fraude, et implication dans des circuits de départs illégaux vers l’étranger. Mais la défense contre-attaque : selon eux, le dossier repose sur une machination destinée à faire taire un ancien initié du système, porteur d’informations sensibles sur des figures puissantes au sein de l’appareil sécuritaire.

Depuis son départ du Maroc, Mehdi Hijaouy a tenté de se stabiliser entre la France et l’Espagne, sans réussir à obtenir le statut de réfugié. Sa disparition récente du radar des autorités espagnoles a renforcé le mystère autour de sa localisation. Une source proche des services marocains évoque une protection supposée de la part du Centre National d’Intelligence espagnol, tandis que sa famille, restée au pays, subirait des pressions croissantes. Cette situation tendue révèle une lutte feutrée entre secrets d’État, procédures judiciaires, et enjeux diplomatiques sous-jacents.

Un portrait au vitriol selon des…médias

Dans un portrait sans concession publié par le média marocain Hespress.com, Mehdi Hijaouy est présenté comme un habile illusionniste ayant fabriqué de toute pièce une identité destinée à tromper ses interlocuteurs. D’après ce récit, il ne posséderait aucun diplôme officiel reconnu et se limiterait à une formation en combat rapproché. Suite à son départ forcé des services de renseignement, il aurait bâti une image trompeuse de spécialiste en sécurité, en s’appuyant sur un réseau imaginaire, des articles signés de son nom mais écrits par d’autres, ainsi qu’un site internet soigné en apparence, mais sans véritable activité réelle.

Le site affirme également qu’il aurait mené des opérations d’escroquerie ciblant des investisseurs et hommes d’affaires, en leur promettant des avantages administratifs ou diplomatiques en échange de paiements importants. Certaines victimes en France et au Maroc disent avoir été persuadées qu’il pouvait faciliter l’obtention de documents officiels. Hespress l’associe aussi à des individus connus pour leur implication dans des circuits de blanchiment d’argent et de trafic de stupéfiants, dont un certain Hicham Jerando, présenté comme l’un de ses collaborateurs les plus réguliers.

L’approche adoptée par ce média reflète une ligne éditoriale agressive, qui ne laisse aucune place au doute sur la culpabilité supposée de Hijaouy. Cette position tranche nettement avec celle de la défense, qui continue de dénoncer une cabale orchestrée à des fins de dissimulation.

Entre fiction construite et menace réelle

La trajectoire de Mehdi Hijaouy semble aujourd’hui suspendue entre deux récits inconciliables. L’un, officiel, en fait un fugitif impliqué dans des délits graves ; l’autre, défendu par ses avocats, le présente comme un ancien initié devenu embarrassant pour les rouages sécuritaires d’un État qui n’admet ni rupture ni désobéissance.

Qu’il ait été effectivement impliqué dans des activités frauduleuses ou qu’il soit victime d’un retour de bâton brutal, son parcours dessine les contours troubles d’une zone grise où l’influence, l’information et la loyauté se monnayent à prix fort. S’il devait être extradé, le Maroc pourrait bien refermer définitivement ce dossier. Mais si la justice espagnole décidait de le protéger, c’est une autre série de révélations, peut-être bien plus explosives, qui pourrait voir le jour. En attendant, Mehdi Hijaouy reste invisible. Et dans ce jeu d’ombres, chacun semble redouter ce qu’il pourrait encore révéler.

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