Le mois de février 2025 avait laissé espérer un changement de cap historique : pour la première fois depuis longtemps, le Sénégal affichait un excédent commercial de 84 milliards de FCFA. Ce sursaut était porté par une envolée ponctuelle des exportations conjuguée à un net repli des importations. Mais cette éclaircie n’aura été qu’éphémère. Depuis lors, le pays replongeait dans un déficit. Il estimé, au mois de mai, à 87,7 milliards de FCFA, illustrant une réalité persistante : le déséquilibre structurel entre ce que le Sénégal vend au monde et ce qu’il achète.
Les données de mai 2025 sont révélatrices. Les exportations ont atteint 469,7 milliards de FCFA, en très légère baisse par rapport à avril. Cette contraction, due au recul des ventes de pétrole brut, de poissons frais et de zirconium, a été partiellement contrebalancée par la progression des produits pétroliers raffinés, de l’acide phosphorique et de l’or non monétaire. Malgré tout, le pays n’est pas parvenu à combler l’écart face à des importations qui, bien qu’en recul mensuel de 10,1 %, restent lourdes (557,4 milliards de FCFA). Ce décalage structurel empêche la balance de repasser durablement dans le vert.
Des exportations dynamiques mais trop concentrées
Si l’on se fie aux chiffres cumulés sur les cinq premiers mois de 2025, les exportations sénégalaises affichent pourtant une performance remarquable : +64,5 % par rapport à la même période en 2024. En valeur absolue, elles passent de 1 413,8 milliards à 2 325,7 milliards de FCFA. Cette hausse s’explique par une forte demande sur les produits pétroliers raffinés (102,1 milliards en mai), les huiles brutes (73,2 milliards), l’or (65,2 milliards) ou encore l’acide phosphorique.
Mais cette progression ne suffit pas. Le socle reste étroit, trop dépendant de quelques matières premières, souvent soumises aux aléas du marché international. En outre, les partenaires commerciaux sont peu diversifiés. Le Mali, l’Inde, la Suisse, l’Italie et les Pays-Bas concentrent à eux seuls plus de 55 % des exportations. Une telle configuration accroît la vulnérabilité du commerce extérieur sénégalais, exposé aux moindres soubresauts géopolitiques ou logistiques.
Une facture d’importation difficile à réduire
Face à ces performances, les importations pèsent encore trop lourd. Sur les cinq premiers mois de 2025, elles atteignent 3 023,8 milliards de FCFA, en hausse de 5,2 % par rapport à 2024. Ce sont les produits pétroliers raffinés (119,9 milliards), les machines et appareils (48,6 milliards), les huiles brutes (44,5 milliards) et le riz (35,6 milliards) qui dominent. Le Sénégal reste ainsi fortement dépendant de fournisseurs tels que la Chine, la France, le Nigéria et la Russie.
Même si mai a marqué une baisse passagère des importations, elle s’explique davantage par des ajustements saisonniers que par une véritable évolution des habitudes de consommation ou de production. Pour espérer inverser la tendance, le pays devra non seulement diversifier ses exportations, mais surtout réduire sa dépendance aux importations de biens essentiels. Cela implique un effort industriel soutenu et une stratégie de substitution efficace, notamment dans l’agroalimentaire et l’énergie.
Malgré des efforts notables pour dynamiser ses exportations, le Sénégal reste pris dans un étau commercial. Les chiffres de mai 2025 confirment la persistance d’un déficit structurel qui limite les marges de manœuvre économiques du pays. Un basculement durable vers l’excédent ne pourra se faire qu’au prix de transformations profondes : diversification des filières exportatrices, montée en gamme industrielle, et relocalisation progressive des chaînes d’approvisionnement. Le chemin reste long, mais les signaux envoyés par la dynamique actuelle montrent qu’un cap est possible.



