Sénégal : La France restitue la base de Ouakam, une page se tourne

Le jeudi 18 juillet 2025 marquera un moment symbolique dans l’histoire des relations franco-sénégalaises : la base militaire de Ouakam, dernier bastion des Éléments français au Sénégal (EFS), sera officiellement restituée à l’État sénégalais. Cette remise des clés vient sceller plus de soixante années de présence continue de troupes françaises sur le sol sénégalais depuis l’indépendance en 1960. Elle intervient dans le cadre d’un processus entamé il y a plusieurs mois, visant à démanteler l’ensemble des cinq emprises militaires françaises dans le pays, dont le retrait complet est prévu d’ici fin septembre.

L’annonce officielle a été faite par Christine Fages, ambassadrice de France à Dakar, à l’occasion de la fête nationale française célébrée le 14 juillet. Aux côtés du Directeur de cabinet du Président de la République, Mary Teuw Niane, elle a déclaré : « Conformément aux orientations établies dès 2022 par le président Macron, la France va restituer au Sénégal les emprises militaires des Éléments français au Sénégal, dans quatre jours. »

Cinq bases rendues en moins de six mois

La base de Ouakam est la dernière d’un réseau de cinq emprises militaires françaises à avoir été transférée au gouvernement sénégalais. Avant elle, quatre autres sites avaient déjà été rendus :

  • Le camp Maréchal (dans le parc de Hann) et le camp Saint-Exupéry, deux emplacements historiques qui accueillaient respectivement des activités logistiques et de soutien, ont été restitués fin mars 2025.
  • Le quartier Contre-Amiral Protet, situé au port de Dakar, a également été évacué à la même période.
  • Le centre de transmissions interarmées de Rufisque, essentiel pour les communications le long de la façade atlantique, a été remis au Sénégal le 1er juillet 2025.

Avec la clôture du retrait à Ouakam, les Éléments français au Sénégal (EFS) cessent donc officiellement d’exister, mettant un terme à une présence militaire continue depuis l’indépendance en 1960. Ce retrait ne s’est pas fait dans la précipitation, mais selon un calendrier défini en concertation entre Paris et Dakar.

Vers un partenariat rééquilibré

Ces retraits ne traduisent pas un désengagement total, mais plutôt une volonté de refonder la nature des liens entre les deux pays. Le 12 février 2025, un communiqué conjoint des ministères des Affaires étrangères du Sénégal et de la France avait déjà posé les bases de cette évolution. Il y était question de redéfinir les priorités du partenariat stratégique, en phase avec les réalités géopolitiques actuelles et la montée en puissance des souverainetés africaines.

Dans cette nouvelle configuration, les coopérations militaires devraient céder une place accrue à des échanges dans des domaines tels que l’économie, la culture, l’innovation ou encore la formation. Cette relecture des rapports bilatéraux vise à faire émerger un dialogue plus horizontal, où le respect mutuel et l’autonomie de décision prennent le pas sur les logiques héritées de l’ère coloniale.

Une transition lourde de symboles

La base de Ouakam, par sa position géographique en surplomb de Dakar et sa longue histoire militaire, cristallisait depuis des années le débat sur la souveraineté et l’influence française en Afrique. Pour de nombreux Sénégalais, cette restitution représente bien plus qu’une opération logistique : c’est le signal d’une transition mentale, d’une volonté de reconquête de l’espace stratégique et symbolique.

En rendant la main sur Ouakam, Paris envoie un message à l’ensemble du continent, dans un contexte où sa présence militaire est remise en cause dans plusieurs pays. À Dakar, la manœuvre est reçue avec prudence, mais aussi comme une opportunité : celle de reprendre le contrôle de zones sensibles, de redéployer les priorités sécuritaires selon des besoins endogènes, et d’ancrer plus fortement la souveraineté nationale dans la gestion des affaires militaires.

L’heure est donc à la réappropriation. Le départ des EFS ne clôt pas seulement un chapitre de la coopération franco-sénégalaise : il en ouvre un nouveau, plus exigeant, mais potentiellement plus équilibré.

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