Le 1er mai 2024, Bassirou Diomaye Faye surprenait tout le monde en apparaissant sans annonce préalable sur le site de Mbour 4, dans la région de Thiès. Ce déplacement inattendu s’était soldé par une décision immédiate : suspension des opérations foncières en cours et dénonciation publique des dérives constatées. Ce jour-là, le président posait les jalons d’une nouvelle approche dans la gestion des terres urbaines, axée sur la transparence et la justice sociale. Quelques mois plus tard, cette même logique vient de s’étendre à un autre site emblématique de la région : la Nouvelle-Ville de Thiès.
Une zone entachée par les abus
Par décret signé le 16 juillet 2025, le gouvernement a officiellement déclaré d’utilité publique le projet de réaménagement de la Nouvelle-Ville de Thiès. Cette décision, préparée par un rapport de présentation du ministre des Finances Cheikh Diba, permet à l’État de reprendre la main sur une zone foncière dont la situation avait dérivé de façon inquiétante. L’article 2 du décret prévoit l’expropriation des parcelles concernées, mesure exceptionnelle qui traduit l’urgence de la reprise en main.
Selon les investigations menées par la Direction générale de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (DGSCOS), des attributions illégales avaient été réalisées dans ce lotissement initialement conçu pour accueillir des logements sociaux, économiques et de standing. Le directeur général de la DGSCOS, Amadou Ousmane Ba, a rapporté des cas qu’il qualifie d’ahurissants, notamment des cessions attribuées à d’anciens responsables sans fondement légal. Ces pratiques avaient bloqué le projet, altéré son objectif initial et attisé la colère des populations locales privées d’un accès équitable au foncier.
Le décret comme levier de reconquête territoriale
Le décret du 16 juillet ne constitue pas une simple formalité administrative. Il ouvre la voie à une reconfiguration complète de l’assiette foncière, avec la possibilité pour les autorités de reprendre, planifier et redistribuer les terrains de manière conforme aux priorités nationales. Ce geste fort vise à restaurer la crédibilité des politiques d’aménagement dans une région où les tensions sur le foncier ont souvent été instrumentalisées.
La déclaration d’utilité publique vient également désamorcer un climat de méfiance né d’un long silence institutionnel autour du projet. Elle permet de relancer un programme urbanistique structurant, comprenant plus de 3 000 logements, des infrastructures éducatives et sanitaires, des espaces verts et des équipements sportifs. Ce chantier ne pourra toutefois réussir que si les opérations d’expropriation se déroulent avec rigueur, transparence et accompagnement social.
Thiès, laboratoire de la réforme foncière présidentielle
Le choix de Thiès pour ces deux actions successives — la suspension de Mbour 4 et la relance encadrée de la Nouvelle-Ville — n’est pas anodin. La ville, au carrefour des mobilités et des ambitions économiques du pays, concentre à elle seule bon nombre de défis liés à l’urbanisation incontrôlée. En intervenant à deux reprises dans cette même zone, Bassirou Diomaye Faye pose une équation simple : une gouvernance foncière crédible passe par des actes concrets, visibles et parfois audacieux.
La relance du projet de Nouvelle-Ville, longtemps bloqué par des intérêts croisés, montre que l’État entend non seulement remettre de l’ordre, mais aussi démontrer que le foncier ne peut plus servir de levier de récompense politique ou de rente informelle. La bataille est loin d’être gagnée, mais le signal est clair : le foncier à Thiès est désormais sous surveillance rapprochée.


