Sénégal : La polémique enfle après les propos de Badara Gadiaga sur Sonko dans Jakarlo

Le plateau de Jakarlo, rendez-vous télévisuel hebdomadaire très suivi du vendredi soir, s’est transformé ce week-end en arène d’un affrontement inattendu. Le chroniqueur Badara Gadiaga, figure bien connue du débat télévisé, a ravivé une affaire judiciaire ancienne en revenant publiquement sur les accusations de viol portées en 2021 contre Ousmane Sonko, aujourd’hui Premier ministre. Ses propos, jugés provocateurs par une grande partie des téléspectateurs, ont immédiatement embrasé les réseaux sociaux, déclenchant une vague de réactions contrastées entre soutiens, critiques et appels à la responsabilité médiatique.

Face à ces propos, le député Amadou Ba, présent sur le plateau, habituellement mesuré, a abandonné sa réserve pour interpeller Gadiaga avec virulence. Il l’a accusé de détourner l’attention politique par des attaques personnelles, tout en remettant en cause sa propre légitimité morale. Selon Ba, Gadiaga aurait perçu pendant des années un salaire public en tant qu’agent de la Foire de Dakar sur la base d’un diplôme falsifié. Cette fraude présumée, documentée dans un rapport de la Cour des comptes, jette une ombre sur celui qui prétend aujourd’hui juger de l’honorabilité d’un dirigeant élu. Le face-à-face, tendu et imprévu, a déplacé l’axe du débat de Sonko vers le passif de Gadiaga lui-même.

Des réactions politiques jusqu’au sommet de l’administration

L’affaire ne s’est pas limitée au plateau. Dans les heures qui ont suivi la diffusion, les prises de position se sont multipliées. Sur le réseau X (anciennement Twitter), le directeur général du Port autonome de Dakar, Waly Diouf Bodian, a interpellé publiquement le procureur pour qu’il s’autosaisisse à la suite des propos tenus à l’antenne. Cette sortie, inhabituelle de la part d’un haut responsable administratif, témoigne du climat de tension généralisé autour des figures publiques et du rapport de plus en plus critique entre médias et institutions.

Cette séquence relance également une ancienne controverse. En mars dernier, le porte-parole du gouvernement Moustapha Ndjeck Sarré avait déjà dénoncé les interventions répétées de Gadiaga, qu’il estimait contraires à l’éthique journalistique. Il s’étonnait alors que la chaîne TFM n’ait ni interrompu le chroniqueur ni présenté d’excuses. Le fait que Gadiaga soit à nouveau au centre d’une tempête médiatique alimente les accusations de récidive et ravive les critiques envers la ligne éditoriale de l’émission.

La frontière trouble entre liberté d’expression et règlement de comptes

Au-delà des querelles de personnes, cet épisode interroge sur la responsabilité des chroniqueurs dans l’espace audiovisuel sénégalais. Peut-on relancer une affaire judiciaire sans éléments nouveaux, simplement pour affaiblir une figure politique en exercice ? À quel moment la liberté d’expression devient-elle un prétexte à la diffamation ou au harcèlement médiatique ? Ces questions s’imposent désormais dans un paysage où les émissions de débat jouent un rôle croissant dans la formation de l’opinion.

Les tensions autour de Gadiaga révèlent aussi une mutation du rôle des chroniqueurs, passés du commentaire à la confrontation. Cette posture, bien qu’appréciée par une partie du public en quête de confrontation directe, expose les médias à une dérive où le spectacle prend le pas sur la vérification. Le défi est donc clair : continuer à interroger les figures du pouvoir sans faire de la scène médiatique un ring d’affrontements personnels. Car si les institutions doivent rendre des comptes, encore faut-il que ceux qui les jugent soient, eux aussi, irréprochables.

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