Sénégal : La société civile réagit aux dispositions annoncées par Sonko

En annonçant publiquement, lors de l’installation du Conseil national du parti Pastef, sa volonté de faire interdire les financements extérieurs accordés aux organisations de la société civile, Ousmane Sonko a déclenché un débat immédiat et houleux. Selon lui, certaines associations prétendument indépendantes useraient de leur statut pour peser politiquement sur l’action du gouvernement, allant jusqu’à imposer des normes et valeurs qu’il estime « contraires aux choix démocratiques du peuple sénégalais ». Il dénonce ce qu’il considère comme un double standard : une société civile, en Afrique, largement influencée par des bailleurs étrangers, là où d’autres pays du Nord refuseraient catégoriquement ce type d’immixtion.

Cette sortie n’est pas restée sans écho. Bien au contraire, elle a cristallisé des tensions anciennes entre le pouvoir et un espace citoyen jaloux de son autonomie. La proposition de légiférer pour bloquer les ressources étrangères destinées aux ONG et mouvements citoyens a été perçue par beaucoup comme une tentative de musellement plutôt que comme un effort sincère de souveraineté.

Une réaction ferme et articulée du FRAPP

Le mouvement Frapp, en première ligne de cette opposition, a publié un communiqué au ton clair et offensif. Selon lui, les autorités, en évoquant un encadrement des financements, cherchent à instaurer une hiérarchie arbitraire entre organisations légitimes et autres jugées subversives. Pour Frapp, ce ne devrait jamais être à l’État de trier, classifier ou domestiquer les voix citoyennes. Le dialogue national organisé en 2025, rappelé dans le texte, aurait dû permettre un véritable débat sur la place et le rôle de la société civile. Au lieu de cela, selon eux, l’espace a été monopolisé par les appareils politiques, marginalisant ceux qui représentent les luttes sociales quotidiennes.

À travers ce texte, Frapp rejette l’idée d’une société civile « sous perfusion » comme l’a décrite Ousmane Sonko. Pour le mouvement, c’est au contraire dans la capacité de contestation, de proposition et d’indépendance que réside la véritable force citoyenne. Il plaide pour un cadre juridique clair, non pas pour restreindre les acteurs, mais pour garantir leur liberté d’action face aux pressions venues tant du pouvoir que des intérêts extérieurs.

Une ligne de fracture désormais explicite

D’autres voix se sont élevées sur la scène publique, à l’image de Birahim Seck, figure de la transparence et membre influent de la société civile sénégalaise. Dans une prise de parole directe sur les réseaux sociaux, il a accusé Ousmane Sonko de prendre les associations citoyennes pour boucs émissaires de ses propres difficultés à gouverner. La formule, virulente, a frappé les esprits : selon lui, ni la colère, ni les discours martiaux ne sauraient remplacer un cap clair pour le pays. Pour Seck, la société civile ne disparaîtra pas sous la pression d’un projet de loi. Elle a existé avant le Pastef, elle existera après.

Ce nouvel épisode illustre une rupture de confiance entre deux espaces qui se prétendaient jadis alliés : les mouvements sociaux et l’actuel pouvoir. En voulant redéfinir les règles du jeu, le gouvernement prend le risque d’un affrontement durable avec des acteurs qui, bien que non élus, disposent d’un ancrage fort dans la population. Si l’objectif est réellement de renforcer la souveraineté, il devra s’accompagner d’une transparence rigoureuse et d’une écoute sincère, sous peine de provoquer l’effet inverse de celui recherché. La société civile sénégalaise, forte de son histoire, semble bien décidée à ne pas se laisser redessiner par décret.

1 réflexion au sujet de « Sénégal : La société civile réagit aux dispositions annoncées par Sonko »

  1. Sonko est tout simplement à l’épreuve du pouvoir d’Etat et découvre qu’il n’est pas facile de diriger les hommes dans une société dite démocratie.
    On voit toujours facile les choses quand on est dans l’opposition, un peu comme le spectateur assis dans les gradins.
    Bis repetita, hélas c’est cela la politique, chacun vient dire dire pour lui et part mais le peuple lui subit toujours.

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