Sénégal : Le gouvernement met fin au grand litige foncier de Ngor

À Ngor, l’affaire du terrain litigieux opposant la gendarmerie à la communauté locale avait fini par devenir un symbole du bras de fer entre pouvoir étatique et droits communautaires. Ce différend, enraciné dans une contestation ancienne, avait déclenché des heurts à répétition, transformant parfois la plage et ses alentours en théâtre d’affrontements ouverts. Ces violences avaient mis à nu le malaise d’un quartier qui ne voulait plus voir ses terres historiques accaparées, même au nom de la sécurité. Samedi, c’est cette plaie que le Premier ministre Ousmane Sonko a tenté de refermer, en annonçant officiellement la restitution du site aux habitants.

Ce terrain, d’une superficie de 6 000 m², n’est pas qu’un simple espace de sable en bordure de mer. Il représente un attachement ancestral, un levier pour des projets collectifs, et une promesse faite à une jeunesse longtemps tenue à l’écart des priorités de développement. La décision gouvernementale met fin à un conflit qui menaçait de s’enliser davantage, et redonne à Ngor un pouvoir de décision sur son propre avenir.

Une restitution à haute valeur symbolique et foncière

L’estimation du terrain tourne autour de 3,6 milliards de FCFA, soit près de 600 000 FCFA par mètre carré. À Ngor, où la pression immobilière est immense et les projets touristiques nombreux, cette somme reflète bien plus qu’une valeur marchande. Elle incarne les enjeux économiques qui pèsent sur les rares réserves foncières encore détenues par les populations autochtones dans la capitale. C’est pourquoi la restitution de cette parcelle, convoitée depuis longtemps, dépasse le simple acte administratif.

Le projet initial des habitants – la construction d’un lycée – montre clairement une volonté de tirer vers le haut un quartier qui manque d’infrastructures éducatives adaptées. La promesse d’un établissement secondaire moderne à la place d’un espace autrefois réservé à un usage sécuritaire redéfinit les priorités : l’intérêt collectif reprend le dessus sur l’occupation institutionnelle. Dans un pays où les besoins en formation sont immenses, ce geste gouvernemental envoie un signal clair aux autres communautés confrontées à des blocages similaires.

Vers une nouvelle approche des conflits fonciers urbains

Ce dénouement intervient dans un climat où les conflits liés à la terre ne cessent de se multiplier, notamment dans les zones côtières et périphériques de Dakar. La décision de l’État de trancher en faveur de la population constitue un tournant dans la manière de gérer les rapports entre autorité publique et revendications locales. En reconnaissant les torts du passé et en optant pour une restitution pacifique, le gouvernement ouvre une voie qui pourrait inspirer la résolution d’autres litiges fonciers encore pendants.

La visite de Sonko à Ngor n’a donc pas été qu’un déplacement de circonstance. Elle marque une volonté de repositionner l’État en arbitre équitable des enjeux fonciers, en redonnant à la population la maîtrise d’une ressource devenue source de crispation. Le terrain est rendu, les tensions s’apaisent, mais la vigilance reste de mise. Car derrière ce geste fort se pose désormais la question suivante : comment garantir que cette victoire communautaire ne soit pas qu’un cas isolé, mais le début d’un changement profond dans la gouvernance urbaine au Sénégal ?

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