Sénégal : Le Président Faye dresse un bilan de l'enseignement supérieur

Face à un parterre d’universitaires, de diplomates, de partenaires techniques, de responsables d’institutions publiques et privées, Bassirou Diomaye Faye a donné le coup d’envoi des Assises nationales de l’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, de la Recherche et de l’Innovation, prévues du 21 au 25 juillet. Ces assises, placées sous la coordination du Professeur Bouba Diop, visent à engager une refonte profonde du système universitaire sénégalais, que le président a qualifié de “héritage à la fois précieux et problématique”. L’université sénégalaise, héritée du modèle colonial, est appelée à devenir un instrument de souveraineté intellectuelle, ancré dans les réalités du pays et apte à affronter les défis du monde contemporain.

Avec 286 169 étudiants, 398 établissements privés, 9 universités publiques et deux nouvelles à venir à Matam et Tambacounda, le Sénégal dispose d’un appareil universitaire en expansion rapide. Mais cette croissance cache des failles structurelles : manque d’infrastructures, déséquilibres territoriaux, instabilité du calendrier académique, inadéquation entre l’offre de formation et les besoins de l’économie. En dix ans, l’irrégularité des années universitaires a coûté 400 milliards de francs CFA à l’État. Une situation que le président juge intenable et contraire à toute logique de performance.

Un appel à décoloniser les savoirs et repenser les priorités

Bassirou Diomaye Faye a insisté sur la nécessité de repenser l’université à partir des savoirs endogènes. Les connaissances locales, les pratiques culturelles, les langues nationales et les sciences africaines doivent retrouver leur place dans les programmes de formation et les agendas de recherche, a-t-il martelé. Le plurilinguisme sera renforcé, avec la promotion de l’anglais et des langues africaines à côté du français, pour favoriser une plus grande inclusion académique.

En matière de formation, le constat est clair : le pays produit trop peu de techniciens, ingénieurs, scientifiques ou spécialistes du numérique, alors que ce sont précisément ces profils qui sont indispensables à l’industrialisation, à la souveraineté alimentaire, et à la stratégie pharmaceutique et technologique du Sénégal. Les curricula doivent donc être revus pour sortir du schéma élitiste hérité du passé et offrir une éducation adaptée aux besoins réels du pays.

Le président a aussi insisté sur la valorisation de la formation extracurriculaire et des talents informels, dans un pays où l’analphabétisme demeure élevé et où des compétences émergent en dehors des circuits classiques. Réduire la déperdition des talents passe aussi par une politique éducative plus inclusive et moins normative, a-t-il affirmé.

Une université connectée à la société et tournée vers l’avenir

La modernisation numérique est présentée comme un levier de transformation. Le président souhaite faire du New Deal technologique un socle pour le déploiement de plateformes d’e-learning, la connectivité des universités, l’accès aux équipements informatiques et la numérisation des archives. L’intelligence artificielle, la cybersécurité, la robotique et les data sciences doivent être au cœur de la nouvelle architecture pédagogique. C’est à ce prix que le Sénégal pourra entrer pleinement dans l’économie mondiale du savoir et offrir à sa jeunesse les armes pour affronter la compétition mondiale.

Un effort soutenu sera fait pour renforcer la recherche, améliorer les publications scientifiques, favoriser les passerelles avec le secteur privé et mettre en synergie les instituts de recherche, les universités et les incubateurs. Le financement reste un point sensible : à ce jour, 46 % du budget du ministère est consacré aux œuvres sociales, ne laissant que peu de marge pour la recherche proprement dite. Le chef de l’État a plaidé pour une répartition plus équilibrée.

Enfin, le président a salué le lancement réussi du premier satellite sénégalais en août 2024, fruit du travail de jeunes ingénieurs, et a encouragé le développement d’un enseignement supérieur régionalisé. Il appelle à une répartition équitable des ressources et des talents à travers les huit pôles territoriaux, avec une mobilité accrue des enseignants-chercheurs pour réduire les disparités entre zones.

L’enjeu est de taille : il ne s’agit pas seulement de former, mais de transformer. Une transformation qui fait de l’université sénégalaise non pas un sanctuaire isolé, mais un acteur stratégique du développement national. À travers les assises de l’ANTESRI, le Sénégal pose les premières pierres d’un nouveau contrat entre savoir, souveraineté et société.

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