Depuis plus d’un mois, les salles d’audience sont désertées, les juges attendus ne siègent plus, et les affaires s’accumulent sans traitement. Cette paralysie de la justice sénégalaise, déclenchée par la grève de l’intersyndicale des travailleurs de la justice depuis le 18 juin, s’enlise dans une crise sans précédent. Et l’ultime tentative du ministre de la Justice pour relancer la machine judiciaire n’a fait qu’attiser la colère des grévistes.
Une réquisition jugée illégale
Par une circulaire datée du 18 juillet, Ousmane Diagne, ministre de la Justice, a ordonné la réquisition des agents en poste dans les juridictions. L’instruction s’appuie sur les gouverneurs et préfets pour forcer la mise en place d’un service minimum. Une démarche perçue par l’intersyndicale comme une manœuvre autoritaire sans fondement légal. Intervenant sur les ondes de Sud FM, le secrétaire exécutif de l’intersyndicale a affirmé que « ce qui est envisagé par le ministre de la Justice n’obéit pas à la loi sur les réquisitions des personnes, des biens et de services… on n’est pas tenu d’y déférer ».
Le syndicat estime que le recours à ce type de réquisition viole le cadre juridique en vigueur et constitue une tentative de contournement du droit de grève. Pour les agents mobilisés, cette circulaire est davantage perçue comme une provocation que comme une solution.
Des juridictions à l’arrêt, des détenus dans l’impasse
La grève, déclenchée depuis la mi-juin, a plongé le système judiciaire dans une quasi-paralysie. Audiences reportées, dossiers en souffrance, impossibilité d’obtenir des actes administratifs : les répercussions sont lourdes, tant pour les citoyens que pour les acteurs de la chaîne pénale. Dans les prisons, la situation devient critique : des détenus attendent leur procès depuis plusieurs semaines, certains sans même avoir été entendus une première fois.
Ce blocage prolongé soulève des questions de fond sur l’équilibre entre les droits syndicaux et les obligations de service public. La tentative du ministère de relancer une activité minimale, en forçant la main aux agents, cristallise désormais l’opposition entre les deux camps.
Des actions de protestation en préparation
Face à ce qu’ils considèrent comme un passage en force, les syndicats ne comptent pas céder. Ils prévoient d’organiser des sit-in et des marches pour alerter les plus hautes autorités de l’État sur la gravité de la situation. L’intersyndicale souhaite replacer le dialogue au cœur de la résolution du conflit et appelle le gouvernement à reconsidérer ses méthodes.
La mobilisation des agents de la justice est portée par une revendication centrale : la reconnaissance de leurs conditions de travail et la prise en charge de leurs doléances. La réponse du ministère, jugée autoritaire, pourrait bien renforcer leur détermination.
Si aucune avancée n’est notée dans les prochains jours, le bras de fer risque de s’inscrire dans la durée, au détriment des justiciables. Pour de nombreux observateurs, seul un véritable dialogue social permettra de sortir de cette impasse


