Sénégal : L’université face au défi de son modèle économique

Avec 286 169 étudiants répartis dans les établissements publics et privés, le Sénégal déploie chaque année un effort financier colossal pour soutenir son système universitaire. Plus de 1,7 million de FCFA sont investis en moyenne pour chaque étudiant, une somme qui inclut à la fois les coûts pédagogiques (542 000 FCFA) et les charges sociales, principalement liées aux bourses et aux œuvres universitaires (636 000 FCFA). Cette dépense publique, bien que révélatrice d’une volonté d’accompagnement de la jeunesse, pèse lourdement sur le budget national.

En 2024, l’État a déboursé plus de 76 milliards de FCFA rien que pour les bourses nationales, tandis que les allocations versées entre 2024 et 2025 atteignent les 24 milliards. Les bourses à l’étranger, quant à elles, dépassent les 7 milliards, une enveloppe souvent critiquée pour son manque de transparence et de lisibilité. Ce système, aussi ambitieux soit-il, semble désormais atteindre ses limites, à mesure que le nombre d’étudiants augmente et que les contraintes budgétaires s’intensifient.

Une réforme attendue et une rupture annoncée

C’est dans ce contexte que l’Agenda national de transformation de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ANTESRI) sera lancé ce jeudi au CICAD, en phase directe avec la Vision 2050 portée par le gouvernement Diomaye. Le document de planification prévoit une refonte profonde du paysage universitaire sénégalais, allant au-delà des simples réformes pédagogiques. Au cœur de cette démarche : la construction d’un modèle économique durable pour les universités.

Abdourahmane Diouf, ministre de l’Enseignement supérieur, a souligné mardi face à la presse que “le président de la République nous a demandé d’aller vers une maîtrise des budgets de l’université (…) de mettre en place un modèle économique, ce qui est très révolutionnaire”. Cette orientation rompt avec la logique d’un financement exclusivement public et ouvre la voie à de nouveaux mécanismes : partenariats stratégiques, autonomisation financière des établissements, diversification des sources de revenus.

La question étudiante au cœur des équilibres

Réformer sans fragiliser : tel est le défi du gouvernement. Toute transformation du modèle universitaire devra s’accompagner de garanties claires pour les étudiants, notamment les plus vulnérables. Dans un pays où l’accès à l’université est souvent perçu comme l’unique voie de promotion sociale, chaque ajustement du système est scruté avec attention.

Pour réussir cette mutation, les autorités devront faire preuve de pédagogie, mais aussi de fermeté. L’université ne peut continuer à fonctionner sur un modèle qui génère à la fois insatisfaction pédagogique, tensions sociales et essoufflement budgétaire. Le Sénégal entre ainsi dans une phase décisive de son histoire éducative, où il ne s’agira plus seulement de former, mais de réinventer l’organisation même du savoir et de sa transmission.

Laisser un commentaire