Après la double défaite cuisante à la présidentielle de mars 2024 puis aux législatives qui ont suivi, beaucoup pensaient que l’Alliance Pour la République (APR) allait sombrer dans une traversée du désert. Pourtant, plus d’un an après le départ du pouvoir de Macky Sall, aujourd’hui installé au Maroc, son parti politique s’active loin des projecteurs pour poser les jalons d’un retour. La réunion du Secrétariat Exécutif National (SEN) du jeudi 24 juillet 2025 l’a clairement montré : la réorganisation interne est lancée, avec des nominations ciblées et des signaux envoyés à la base comme aux adversaires.
Une machine politique en reconstruction stratégique
Même affaiblie, l’APR refuse de s’installer dans le silence. Lors de la dernière rencontre du SEN, plusieurs figures du parti ont été repositionnées à des postes-clés dans l’appareil interne. Pape Malick Ndour a été nommé à la tête de la Convergence des Cadres Républicains (CCR), Aminata Guèye prend les commandes de la Chambre des Élus républicains, et Hamidou Anne dirigera désormais la Cellule Analyses et Prospective (CAP). Des choix qui illustrent la volonté de Macky Sall de garder la main sur l’architecture politique de sa formation, même à distance.
Ces désignations s’inscrivent dans une logique de reconquête méthodique, où le parti renforce ses fondations avant de viser un retour dans les sphères décisionnelles. Plutôt que de chercher un nouveau visage à brandir, l’ancien président mise pour l’instant sur la solidité de son réseau, l’expérience de ses cadres et la résilience d’un appareil qui, malgré les revers électoraux, conserve une implantation territoriale significative.
Une opposition qui n’entend pas s’effacer
Interrogé à la Radio Sénégal Internationale sur les chances de l’APR face à une majorité incarnée par des leaders jeunes et très présents sur le terrain, Hamidou Anne ne s’est pas laissé impressionner. Il reconnaît la dynamique actuelle du régime, mais rappelle que l’histoire politique du Sénégal reste imprévisible. En comparant la situation actuelle à celle de l’ex-président Abdoulaye Wade, qui avait lui aussi envisagé de gouverner à long terme avant d’être balayé en 2012, il souligne que le temps ne joue pour aucun pouvoir.
L’APR parie également sur la notoriété internationale toujours vive de Macky Sall et sur l’épaisseur politique d’un parti qui conserve un groupe parlementaire structuré. « On a un leader charismatique, un appareil politique solide, un groupe parlementaire actif, un réseau d’élus et une base militante présente dans tout le pays », résume-t-il. Derrière ce discours, se profile l’idée que le pouvoir ne tient pas qu’au vote mais aussi à la capacité d’occuper le terrain, de parler aux déçus, et de fédérer au-delà du noyau militant.
Une bataille souterraine pour reconquérir l’opinion
Loin des discours de rupture de la nouvelle majorité, l’APR joue une autre carte : celle de la stabilité perdue. Dans les coulisses, le parti met en avant le sentiment de désillusion qui pourrait gagner certains segments de la population face aux difficultés économiques persistantes. Il insiste aussi sur l’afflux de nouveaux venus — jeunes, cadres, experts — qui, lassés des querelles ou attirés par la structure de l’APR, rejoignent peu à peu ses rangs. « La jeunesse est souvent dans une posture de contestation », avance Hamidou Anne, comme pour rappeler que la colère ne se transforme pas toujours en vote durable.
La reconquête ne se fera pas à coups de slogans mais par une présence continue, un maillage territorial, et une capacité à incarner une alternative crédible si la majorité échoue à répondre aux attentes. Le pari est risqué mais pas absurde : de nombreux partis au Sénégal ont déjà chuté avant de revenir, parfois plus forts. Le chemin est long, semé d’obstacles, mais Macky Sall et ses fidèles semblent décidés à ne pas laisser l’histoire s’écrire sans eux.
Dans l’ombre des institutions, l’ancien président aiguise ses outils. Et si l’APR semble affaiblie, elle n’a pas encore dit son dernier mot.



