Un tournant vient de s’opérer dans le secteur de la grande distribution au Sénégal. Le Groupe EDK, dirigé par l’homme d’affaires sénégalais Demba Ka, a finalisé l’acquisition des enseignes Carrefour Sénégal et Supeco, deux marques opérées jusque-là par le groupe français CFAO. Une opération stratégique qui rebat les cartes dans un paysage dominé jusqu’à présent par Auchan, leader incontesté du marché.
Une ambition sénégalaise face aux géants internationaux
Avec une quarantaine de magasins implantés à travers le pays, Auchan occupe une place centrale dans les habitudes de consommation urbaine, bénéficiant d’une couverture territoriale importante et d’une image de proximité. De son côté, Carrefour, via Carrefour Market et Supeco, avait tenté de s’implanter durablement depuis 2019, misant sur un modèle à double entrée : des surfaces qualitatives en zone urbaine dense et une offre à bas prix via Supeco.
Le rachat de ces deux marques par EDK intervient dans un contexte où la souveraineté économique est au cœur des discours politiques et citoyens. Cette opération propulse le groupe sénégalais à un nouveau niveau, en lui permettant d’hériter d’un réseau de points de vente structurés, d’une chaîne logistique déjà opérationnelle et d’un portefeuille client bien établi. Aucun montant officiel n’a été communiqué, mais la transaction a été confirmée par plusieurs sources, dont le député Guy Marius Sagna, qui a salué ce qu’il considère comme un acte fort de réappropriation nationale.
Recomposition du secteur : un acteur local à la conquête du terrain
Ce changement de main est porteur d’enjeux multiples. D’un point de vue commercial, il place EDK face à un défi de taille : transformer une enseigne perçue comme étrangère en un modèle attractif, ancré dans les réalités sénégalaises, sans perdre en qualité ni en efficacité. Les clients habitués aux standards de Carrefour et Supeco devront être rassurés sur la continuité de l’offre, tandis que de nouvelles opportunités s’ouvrent en matière de sourcing local, d’emplois et de politique tarifaire adaptée au pouvoir d’achat.
La marque Supeco, positionnée sur le segment du « soft discount », avait déjà trouvé un public fidèle dans des zones comme Mbour, Castors ou Thiaroye. Ce positionnement pourrait être consolidé et redéployé sous une identité rénovée, dans une logique de proximité renforcée. Quant à Carrefour Market, son image plus haut de gamme et urbaine pourrait être exploitée pour diversifier les cibles d’EDK et renforcer son positionnement dans les quartiers à forte densité de consommation.
Une acquisition symbolique aux implications économiques fortes
Au-delà du secteur de la distribution, cette prise de contrôle envoie un signal fort sur la montée en puissance des capitaux nationaux dans des secteurs jusque-là dominés par des groupes étrangers. Si cette dynamique se confirme, elle pourrait inciter d’autres entrepreneurs à se positionner sur des segments stratégiques, à condition d’avoir le soutien des institutions et l’accès à des financements adaptés.
La mention du rôle du ministère des Finances et du Budget dans la facilitation de cette opération laisse penser à un alignement entre ambitions privées et priorités publiques. Dans un pays où plus de 80 % du commerce alimentaire reste informel, ce type d’opération offre l’opportunité de structurer davantage la chaîne de distribution, tout en conservant les marges de manœuvre nécessaires à une régulation nationale efficace.


