Depuis le 18 juin, les juridictions sénégalaises fonctionnent à un rythme haché, soumis aux appels répétés à la grève des syndicats du secteur de la justice. Après une première série de débrayages, une nouvelle mobilisation de 72 heures a été déclenchée à partir du lundi 7 juillet, alors que les 48 heures précédentes, les 3 et 4 juillet, n’avaient pas permis d’ouvrir la voie à une désescalade. Cette situation, qui touche aussi bien les cours que les tribunaux, prolonge une crise dont les conséquences se répercutent déjà sur le quotidien des justiciables, confrontés à des retards de procédures, des reports d’audiences et la fermeture de guichets.
Les syndicats à l’origine du mouvement, notamment le SYTJUST et l’UNTJ, revendiquent l’application effective d’un engagement pris par l’État. Ils réclament le reclassement d’une partie du personnel judiciaire – greffiers et agents expérimentés – au niveau hiérarchique A2. Cette reconnaissance devait, selon eux, être officialisée par un décret déjà négocié, mais dont la signature se fait attendre. L’origine du conflit ne réside donc pas dans une nouvelle revendication, mais dans le non-respect d’un accord antérieur, ce qui alimente un sentiment de trahison ouvertement assumé par les représentants syndicaux.
Un dialogue bloqué, une colère nourrie
Alors que les discussions semblaient avoir débouché sur un compromis, les dernières sorties médiatiques du ministre de la Fonction publique ont mis le feu aux poudres. Jugé inflexible et peu enclin à trouver une issue favorable, il est désormais désigné par les syndicats comme l’obstacle principal à la résolution du conflit. Le ton est monté d’un cran, et les accusations de mauvaise foi se multiplient. Pour les grévistes, les tergiversations de l’administration ne sont plus tenables. Ils exigent désormais que le dossier soit sorti des circuits classiques de négociation et porté au plus haut niveau de l’État.
C’est dans cette logique que les représentants syndicaux ont appelé, sur les ondes de la Sud FM, à une intervention directe du président de la République ou du Premier ministre. Ils estiment que seule une décision politique ferme et immédiate permettra de déverrouiller la situation et de mettre fin à une grève qui, si elle perdure, risque de saper durablement la confiance des citoyens envers l’institution judiciaire.
Entre droit au service et service du droit
Derrière cette bataille technique sur des classifications administratives se joue une question plus profonde : celle de la place des travailleurs de l’ombre dans l’appareil judiciaire. Greffiers, agents de greffe et personnels intermédiaires incarnent la continuité de la justice dans ses rouages les plus concrets. Leur mécontentement n’est pas seulement salarial. Il reflète une demande de reconnaissance structurelle, dans un secteur souvent focalisé sur la magistrature et la chancellerie.
La grève actuelle interpelle aussi l’État sur sa capacité à honorer ses engagements, particulièrement dans un contexte de tensions multiples où la justice est régulièrement appelée à trancher des dossiers sensibles. Une justice à l’arrêt n’est pas qu’un problème fonctionnel. Elle devient un signal d’alarme sur l’état de santé institutionnelle du pays. À mesure que les jours passent et que les tribunaux restent fermés, l’urgence d’une réponse politique claire se fait plus pressante. Car si les jugements attendent, les frustrations, elles, s’accumulent.



