La directive bancaire européenne ne suscite pas les mêmes inquiétudes sur le continent. Si le Maroc se sent directement visé, d’autres pays africains comme le Nigeria ou l’Égypte semblent moins concernés. En cause : des systèmes de transferts très différents qui révèlent la diversité des modèles économiques liés aux diasporas.
Trois modèles de transferts bien distincts
Le Maroc a développé une stratégie singulière : appuyer sa diaspora à travers ses propres banques implantées en Europe. Des établissements comme Attijariwafa Bank ou Banque Populaire assurent directement les transferts des Marocains résidant à l’étranger. La directive européenne, qui restreint l’activité des banques étrangères non-UE, risque donc de toucher de plein fouet ce modèle.
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À l’opposé, le Nigeria, premier pays africain récipiendaire de fonds (près de 20 milliards de dollars en 2023), repose essentiellement sur des opérateurs internationaux (Western Union, MoneyGram) et de nouvelles fintech locales. Ces canaux, déjà intégrés aux circuits financiers mondiaux, sont moins vulnérables à une réglementation européenne ciblant les banques.
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L’Égypte, avec plus de 30 milliards de dollars envoyés par sa diaspora, dépend surtout des travailleurs installés dans les pays du Golfe. Ses flux sont donc liés à des corridors extérieurs à l’Europe, ce qui réduit l’effet direct de la directive.
Des impacts asymétriques en Afrique
Cette diversité de modèles explique pourquoi la directive inquiète surtout Rabat. Pour le Maroc, qui reçoit plus de 7 % de son PIB des transferts de ses ressortissants, tout obstacle réglementaire européen peut devenir une menace économique.
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Au Nigeria, la dépendance aux opérateurs privés internationaux rend le pays moins exposé. Les fintech, en plein essor, contribuent aussi à réduire les coûts et à diversifier les circuits. Quant à l’Égypte, la géographie de sa diaspora, tournée vers le Moyen-Orient plutôt que l’Europe, limite l’effet potentiel des restrictions.
Un révélateur des choix stratégiques
Au fond, cette situation illustre les choix politiques et économiques de chaque pays africain. Le Maroc, en privilégiant ses propres banques implantées en Europe, a gagné en contrôle et en fidélisation de sa diaspora, mais s’expose désormais à la réglementation de Bruxelles.
Le Nigeria, lui, s’appuie sur la flexibilité des acteurs privés et des fintech, tandis que l’Égypte mise sur la proximité avec le Golfe. Ces orientations montrent qu’en Afrique, la question des transferts de fonds n’a pas une réponse unique mais des stratégies variées, façonnées par l’histoire migratoire et les priorités économiques de chaque État.
Ainsi, si la directive européenne devient une préoccupation majeure pour Rabat, elle reste en grande partie secondaire pour d’autres pays africains. Une asymétrie qui met en lumière le rôle stratégique que chaque diaspora joue dans la stabilité financière de son pays d’origine.



