Transferts de fonds : les solutions que le Maroc explore face à la directive européenne

Face à la directive bancaire européenne qui pourrait restreindre l’activité de ses banques en Europe, le Maroc cherche déjà des alternatives pour sécuriser les transferts de sa diaspora. Digitalisation, bi-bancarisation et corridors panafricains figurent parmi les pistes envisagées pour préserver un flux vital de devises.

Une directive européenne aux effets incertains

Le Maroc est directement concerné par la réglementation adoptée par le Parlement européen en juin 2024, qui limite les activités des banques étrangères non européennes dans l’UE. Or, les filiales marocaines implantées en France, en Espagne ou en Belgique assurent une grande partie des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE), qui représentent plus de 11 milliards de dollars par an, soit environ 7 % du PIB national.

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L’entrée en vigueur progressive de cette directive, avec une transposition dans les droits nationaux prévue pour janvier 2026 et une application stricte en 2027, pousse Rabat à anticiper. Plutôt que de subir les conséquences, le Royaume tente d’ouvrir de nouvelles voies pour maintenir ce pilier économique.

La digitalisation comme première réponse

L’une des pistes majeures est l’accélération de la digitalisation des services financiers. Les autorités marocaines souhaitent développer des solutions en ligne pour permettre aux MRE d’envoyer leur argent directement via des plateformes numériques sécurisées.

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L’émergence de fintech africaines comme M-Pesa, Flutterwave ou Wave inspire Rabat, qui envisage de renforcer ses propres outils de transfert digital. Ces solutions offriraient une alternative compétitive aux circuits bancaires traditionnels, tout en réduisant les coûts pour les expatriés.

La bi-bancarisation pour contourner les blocages

Le Maroc mise également sur la bi-bancarisation, un dispositif permettant à un migrant d’avoir simultanément un compte dans son pays d’accueil et un compte dans son pays d’origine. Cette approche facilite les transferts formels et sécurisés, tout en fidélisant la diaspora.

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Bien que cette solution soit parfois critiquée par certains experts européens comme un risque de fuite de capitaux, elle constitue pour Rabat une manière d’assurer la continuité des flux, même si certaines filiales bancaires marocaines venaient à être limitées par la réglementation européenne.

Miser sur les corridors panafricains

Au-delà de l’Europe, le Maroc regarde aussi vers l’Afrique. Des initiatives comme le PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System), soutenu par la Banque africaine d’import-export, permettent déjà d’effectuer des paiements intra-africains en devises locales sans passer par le dollar ou l’euro.

En se connectant davantage à ces corridors, Rabat pourrait réduire sa dépendance aux circuits européens et diversifier les canaux utilisés par sa diaspora. Cela répond aussi à une logique plus large de souveraineté financière africaine.

Une stratégie encore en construction

Pour l’instant, aucune de ces pistes ne remplace totalement le rôle joué par les banques marocaines en Europe, qui restent incontournables pour les millions de Marocains installés sur le continent. Mais en explorant plusieurs alternatives, Rabat prépare le terrain pour amortir l’impact d’une réglementation qu’il juge contraignante.

À terme, le Maroc pourrait transformer cette contrainte en opportunité : développer des services numériques compétitifs, renforcer ses liens avec la diaspora et s’intégrer davantage aux réseaux financiers africains.

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