Dans un pays confronté à une crise économique sévère, la figure de Sandro Castro, petit-fils de Fidel Castro, ne passe pas inaperçue. Sur Instagram, où il rassemble plus des centaines de milliers d’abonnés, ses vidéos humoristiques tournées dans les rues de La Havane suscitent un mélange de rires, de critiques et de perplexité.
Une satire populaire, mais polémique
Vêtu tantôt d’un costume de moine, tantôt d’un déguisement de vampire – son alias Vampirach – ou encore grimé en chat, Sandro Castro construit un univers loufoque où se mêlent dérision sociale et provocations visuelles. Derrière ses lunettes rondes et ses tenues extravagantes, il met en scène des saynètes satiriques, souvent inspirées du quotidien des Cubains : pénuries alimentaires, délestages électriques, coupures d’eau, etc.
Dans une vidéo devenue virale, on le voit brandir une bière Cristal – emblème national devenu son accessoire fétiche – en lançant avec ironie : « Je voulais faire du poulet à la bière, mais… il n’y a pas de poulet. » Une manière de souligner les ruptures régulières de produits de base qui pèsent sur la population.
Parmi ses vidéos les plus partagées, celle où il se baigne torse nu dans une citerne d’eau, en plein soleil, devant un drapeau des États-Unis, a été largement commentée. Il y lance : « Il n’y a pas de meilleure piscine que la citerne du ghetto », en référence aux difficultés d’approvisionnement en eau dans les quartiers populaires. Dans une autre scène, il tourne en dérision les coupures d’électricité en comparant le rythme des délestages à une relation amoureuse rythmée… toutes les quatre heures.
Ces performances, qui trouvent écho auprès d’une jeunesse lassée du discours officiel, sont néanmoins loin de faire l’unanimité. Si certains internautes appellent avec humour à le nommer « président », d’autres dénoncent une posture provocante et déplacée, en décalage complet avec la réalité du pays.
Le malaise d’une élite face au miroir numérique
Les critiques à l’égard de Sandro Castro ne viennent pas uniquement des citoyens. Le journaliste Amir Valle, cité par CiberCuba, a rappelé que l’influenceur est « célèbre pour afficher une vie de privilèges sur les réseaux sociaux, tandis que Cuba traverse sa pire crise depuis des décennies. » Il interroge également l’absence de réaction des gardiens de la mémoire révolutionnaire face à ce qu’il considère comme une « trahison ».
Ce clivage illustre une fracture générationnelle et sociale de plus en plus visible sur l’île : celle entre une population éprouvée par les restrictions économiques et une élite visible, connectée, et souvent privilégiée. En s’exposant ainsi, Sandro Castro devient malgré lui un révélateur des contradictions internes du système cubain.
Instagram comme nouvelle scène politique à Cuba
Dans un environnement où les médias sont étroitement contrôlés, les réseaux sociaux, en particulier Instagram, représentent un exutoire pour une jeunesse cubaine avide de divertissement mais aussi de critique sociale. Le personnage de Vampirach, bien que caricatural, s’inscrit dans cette dynamique : il offre une soupape d’expression, un théâtre numérique où l’absurde sert parfois à dire l’indicible.



