Des économistes, parlementaires et acteurs de la société civile ont publié une tribune mettant en cause la légitimité d’une partie de la dette publique sénégalaise. Ils demandent l’arrêt immédiat des paiements et la mise en place d’un audit couvrant la période 2012-2024.
Une remise en cause de la légitimité de la dette
La tribune intitulée « Dette odieuse au Sénégal » estime que certains emprunts contractés par les précédentes administrations ne respectent pas les principes démocratiques, car ils n’ont pas été validés par l’Assemblée Nationale. Selon les signataires, il est injuste de faire rembourser à la population une dette dont elle n’a pas bénéficié.
Ils appellent à l’application de la doctrine de la dette odieuse, formulée en 1927 par Alexander Sack, qui permet à un État de refuser le remboursement d’un emprunt contracté contre l’intérêt du peuple et avec la complicité des prêteurs. Pour les auteurs de la tribune, l’audit envisagé doit s’étendre sur toute la période allant de 2012 à 2024.
En guise de comparaison, l’économiste Ndongo Samba Sylla rappelle l’expérience de l’Équateur sous la présidence de Rafael Correa. En 2007, une commission indépendante avait audité les dettes contractées entre 1976 et 2006. Ce processus avait conduit à l’annulation d’une partie de la dette commerciale, permettant au pays d’économiser près de 7 milliards de dollars réinvestis dans des projets sociaux et d’infrastructures.
Une situation budgétaire déjà fragilisée
Cette initiative intervient alors que la situation financière du Sénégal est scrutée par ses partenaires internationaux. Selon les représentants du FMI, les comptes arrêtés fin 2023 faisaient apparaître une dette publique supérieure à 70 % du PIB. Mais l’audit réalisé par la Cour des comptes a révélé que le niveau réel s’approchait de 100 % du PIB, soit l’équivalent de 6 à 7 milliards de dollars non déclarés. Le Fonds précise qu’il ne s’agissait pas de fonds détournés mais d’engagements « non divulgués », permettant à l’État d’accéder à des conditions de financement plus favorables.
Dans ce contexte, la tribune prend une dimension politique et sociale majeure. Elle relance le débat sur la transparence de la gestion publique et sur la possibilité pour un État de s’inspirer d’exemples étrangers afin de renégocier sa dette.
Les discussions autour de cette tribune devraient alimenter les prochains débats parlementaires et renforcer la pression sur les autorités pour plus de clarté dans la gestion des finances publiques.



