Sénégal : Détournements présumés de loyers, Cheikh Seck prêt à rembourser

En 2016, l’État du Sénégal décide de louer un immeuble de type R+8 avec sous-sol pour abriter le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), une institution récemment créée. Chaque mois, ce bâtiment situé au quartier Point E coûte au budget national 40 millions de FCFA. Deux ans plus tard, le même immeuble est officiellement acquis par l’État, à travers un financement de 14,4 milliards de FCFA hors taxes, soit près de 20 milliards toutes taxes comprises. Cette acquisition, au lieu de mettre fin à la dépense locative, a laissé place à un paradoxe budgétaire : les loyers ont continué à être versés, comme si aucune transaction n’avait eu lieu.

Durant six années, de juillet 2018 à mai 2024, les caisses publiques ont déboursé près de 2,8 milliards de FCFA supplémentaires pour un bien supposément devenu propriété de l’État. Cette situation, dénoncée par plusieurs voix politiques dont celle de Guy Marius Sagna, s’apparente à un cas d’absurdité administrative. Elle illustre un système où les engagements contractuels semblent flotter dans une zone grise, faute de coordination entre les services de l’État.

Cheikh Seck brise le silence

Cité au cœur de cette affaire, Cheikh Seck, ancien international sénégalais et actuel homme d’affaires, s’est exprimé publiquement pour la première fois après les révélations faites par le président Bassirou Diomaye Faye dans le cadre de la présentation du Plan de Redressement national. Propriétaire de la SCI Fara, entité détentrice de l’immeuble, il affirme n’avoir « jamais reçu de notification officielle indiquant que l’État avait soldé le paiement de l’immeuble ». Cette déclaration, rapportée dans le journal Yoor Yoor, donne un éclairage inattendu sur l’opacité du processus de transfert de propriété.

Prenant l’initiative de contacter la SOGEPA, agence en charge de la gestion du patrimoine immobilier de l’État, Cheikh Seck a manifesté sa volonté de régulariser la situation. Il se dit prêt à rembourser les sommes perçues à tort, une posture rare dans un contexte où les scandales similaires sont généralement étouffés ou minimisés. « Si des montants ont été versés sans base légale, je suis disposé à les restituer », aurait-il confié à ses proches selon la même source.

Un symptôme révélateur d’un désordre plus profond

L’affaire ne se limite pas à une erreur comptable ou à une négligence isolée. Elle révèle un fonctionnement étatique où l’absence de traçabilité juridique permet à des situations ubuesques de s’installer durablement. L’absence de mutation formelle du bien acquis, l’inertie de certaines directions administratives, et le silence institutionnel prolongé ont contribué à faire de cet immeuble un symbole d’un dysfonctionnement plus large. La situation est d’autant plus préoccupante qu’elle concerne un financement adossé à un prêt contracté auprès de Diamond Bank, alourdissant la dette publique sans bénéfice tangible.

L’intervention du président Diomaye Faye a jeté une lumière crue sur ces pratiques, en les inscrivant dans une volonté de rupture avec l’opacité passée. Son discours a mis en relief des anomalies comme celle-ci pour justifier l’urgence d’un Plan de Redressement. À travers cette séquence, le chef de l’État veut montrer qu’il ne s’agit pas uniquement de trouver des ressources financières, mais aussi de mettre fin à l’hémorragie silencieuse de fonds publics.

L’évolution du dossier dépend désormais des conclusions de l’audit en cours et des suites données par les autorités judiciaires et administratives. En attendant, Cheikh Seck, en proposant un remboursement, tente de se repositionner en acteur coopératif dans un dossier potentiellement explosif.

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