L’accident industriel survenu en décembre 2020 à Gadiaga, dans la région de Thiès, n’a pas fini de faire des vagues. L’explosion d’un puits de gaz opéré par la société Fortesa International avait alors déclenché un incendie de grande ampleur, causant la mort d’un ingénieur, Michael Gunning, et entraînant la suspension partielle des opérations sur le site. Quatre années plus tard, ce drame industriel continue de peser, non pas seulement sur les installations techniques, mais sur les épaules des employés eux-mêmes.
Le 2 juin dernier, après des mois d’attente et de frustration, le collège des délégués du personnel a décidé de franchir un cap en déposant un préavis de grève. Ce geste, symbolique et stratégique, reflète un climat de désillusion généralisée dans les rangs des travailleurs. Ils dénoncent une lenteur administrative, des promesses non tenues et une précarité qui s’aggrave avec le temps.
Onze mois sans salaire, des statuts sans évolution
À l’heure actuelle, plusieurs employés de Fortesa affirment n’avoir perçu aucun salaire depuis près de onze mois. Une situation financière intenable pour nombre d’entre eux, confrontés à des charges domestiques et à un avenir professionnel incertain. À cela s’ajoute un autre point de crispation : la non-régularisation des statuts contractuels. Certains collaborateurs sont maintenus sous statut de prestataires, parfois depuis plusieurs années, sans perspectives claires de contractualisation.
Ce recours systématique aux statuts précaires, combiné à l’absence de dialogue social effectif, contribue à la dégradation du climat interne. Si la société reste active sur le papier, ses équipes peinent à voir une reprise réelle de l’activité depuis l’explosion. Pour les employés, c’est l’impression d’un chantier à l’arrêt, mais dont les dégâts humains s’accumulent lentement et silencieusement.
Face à ce qu’ils considèrent comme une impasse, les travailleurs ont déclenché une grève de 48 heures les 5 et 6 août, espérant attirer l’attention des autorités compétentes et de l’opinion publique sur une situation qui n’a que trop duré. Cette mobilisation survient dans un contexte national tendu où la gestion des ressources naturelles, l’emploi local et la sécurité industrielle sont devenus des sujets sensibles.
Une alerte sur la gouvernance du secteur gazier
Le cas Fortesa rappelle que la promesse d’une économie gazière prospère au Sénégal reste soumise à des exigences de gouvernance, de transparence et de responsabilité sociale. Lorsque les infrastructures sont touchées, les premiers à en payer le prix sont souvent les salariés, loin des projecteurs, sans filet de sécurité.
La grève déclenchée ce début août résonne comme un signal d’alarme : au-delà de la relance technique du site, c’est un rééquilibrage humain et contractuel qui est réclamé. Le silence prolongé de l’entreprise sur les revendications internes laisse présager un affrontement plus dur si aucun médiateur n’intervient rapidement.



