Sénégal : L'ex ministre Moustapha Diop, en prison, cité dans une nouvelle affaire

Incarcéré depuis la fin du mois de mai pour sa gestion contestée de 2,5 milliards FCFA alloués à la riposte contre la pandémie, Moustapha Diop voit son horizon judiciaire s’assombrir davantage. L’ancien ministre de l’Industrie, aujourd’hui député-maire de Louga, est désormais impliqué dans un deuxième dossier, cette fois lié au détournement présumé de 766 millions FCFA. L’affaire, portée par les déclarations de Tabaski Ngom, inspectrice du Trésor incarcérée depuis janvier, met en lumière des éléments compromettants susceptibles d’aggraver sa situation pénale.

Des documents et des aveux accablants

C’est au fil des auditions que Tabaski Ngom a affirmé avoir remis 200 millions FCFA à Moustapha Diop, appuyée par une décharge signée et un enregistrement sonore évoquant une reconnaissance de dette. Le lien entre les deux protagonistes, qu’elle décrit comme personnel, aurait été entretenu sur plusieurs mois. Ces éléments, versés au dossier par la défense et examinés par le Pool judiciaire financier, ont conduit à une reconsidération complète du statut judiciaire de l’ancien ministre.

La Chambre d’accusation a récemment invalidé la décision initiale des juges instructeurs, qui avaient rejeté toute inculpation au nom de l’immunité parlementaire. Elle a statué que les faits reprochés à Moustapha Diop « ne sont pas liés à l’exercice de ses fonctions ministérielles », ouvrant ainsi la voie à une inculpation officielle pour complicité dans le détournement présumé de fonds publics.

Une double mise en cause aux conséquences politiques

Déjà placé sous mandat de dépôt pour des soupçons liés à la mauvaise gestion des fonds anti-COVID, Moustapha Diop doit désormais faire face à une deuxième procédure judiciaire indépendante, alimentée par des preuves matérielles et des témoignages directs. La convergence des deux dossiers pourrait créer une dynamique judiciaire défavorable, complexifiant toute tentative de défense isolée.

Le nom de l’ancien ministre reste associé à une série de missions publiques étendues menées entre 2014 et 2024. Mais aujourd’hui, cette trajectoire est éclipsée par une accumulation de soupçons portant non seulement sur sa gestion budgétaire mais aussi sur ses relations personnelles et son usage de ressources publiques. À Louga, son bastion électoral, l’affaire suscite embarras et incompréhension. Certains de ses soutiens évoquent un acharnement judiciaire, mais les faits exposés par la justice pèsent lourd.

Un tournant pour l’immunité parlementaire ?

La décision de la Chambre d’accusation fait figure de précédent. En refusant à Moustapha Diop la protection liée à ses anciennes fonctions, les juges affirment une lecture plus restrictive de l’immunité politique. Cela pourrait redéfinir le cadre juridique dans lequel évoluent les élus et anciens membres du gouvernement, en posant des limites claires à la couverture des actes non liés à leurs fonctions officielles.

Pour le camp présidentiel, cette affaire tombe à un moment critique, alors que l’exécutif promet de refonder la gouvernance publique et renforcer les mécanismes de transparence. Le maintien en détention d’un ancien ministre, désormais doublement mis en cause, pourrait renforcer le message d’inflexibilité. Mais il soulève également une interrogation : jusqu’où la justice est-elle prête à aller dans la relecture du passé administratif et politique du pays ?

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