Le CICAD de Diamniadio aura été le théâtre d’une élection aussi longue qu’improbable. Convoquée dès 9 heures du matin, l’assemblée générale élective de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) n’a révélé son verdict que le lendemain à 7h30, au terme d’un marathon électoral éprouvant pour tous les protagonistes. L’ambiance, loin des standards d’une organisation rigoureuse, a été marquée par un manque criant de moyens logistiques : absence de restauration, files d’attente interminables, désorganisation technique. Un journaliste présent sur place résumait l’ambiance d’un trait amer : « même un café manquait ».
Malgré ce chaos ambiant, le scrutin a accouché d’un résultat clair. Abdoulaye Fall, candidat adoubé par de puissants relais du football local, succède à Me Augustin Senghor, qui quitte la présidence après seize années d’exercice. Ce changement de cap, très attendu dans certains cercles, n’a pas fait l’unanimité. Mady Touré, l’autre prétendant, s’est retiré avant le second tour, dénonçant des pratiques opaques et des tentatives de corruption qu’il juge incompatibles avec l’esprit du sport.
Un climat tendu, des soupçons persistants
Dès l’ouverture des travaux, la tonalité était pourtant empreinte d’appel à la responsabilité. Khady Diène Gaye, ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, avait lancé les discussions en insistant sur l’importance de la transparence et du respect des textes. Dans une fédération souvent critiquée pour son manque de collégialité, ce discours visait à rassurer, à rappeler que l’avenir du football sénégalais se joue aussi dans la manière de gérer le pouvoir.
Mais les longues heures d’attente, les démissions de dernière minute et les rumeurs persistantes ont fini par faire basculer l’assemblée dans une forme de lassitude nerveuse. Loin d’un moment de célébration, le dépouillement final s’est déroulé dans un CICAD à moitié vidé de son énergie. Si Abdoulaye Fall a remporté le second tour avec 321 voix, contre seulement 30 pour Mady Touré, le climat général interroge sur l’état de santé institutionnelle du football national. La lassitude des clubs, les critiques sur la mainmise de certaines coalitions régionales, et la fatigue démocratique perceptible augurent d’un mandat qui devra s’attaquer à une refondation en profondeur.
Un héritage lourd à porter
Le départ de Me Augustin Senghor marque la fin d’un long cycle. L’ancien président, souvent critiqué mais également crédité d’avoir stabilisé la FSF et soutenu le développement de l’équipe nationale masculine jusqu’à son sacre continental, laisse un fauteuil chargé de défis. À son successeur de démontrer qu’il ne s’agira pas d’un simple passage de témoin entre clans d’influence, mais d’un engagement réel pour moderniser les compétitions locales, améliorer la gouvernance des ligues régionales, et redonner aux acteurs de terrain la place qu’ils méritent.
Au sortir de ce scrutin de 20 heures, ce ne sont pas seulement des bulletins que l’on a comptés, mais des frustrations qu’il faudra désormais canaliser. Pour éviter que l’élection ne devienne un simple exercice de façade, Abdoulaye Fall devra vite clarifier ses priorités et rassurer ceux qui, hier encore, doutaient du processus. Le football sénégalais a encore faim de victoires, mais il exige désormais un jeu transparent, sur le terrain comme dans les coulisses.



