Réunis à Alger, les responsables de la Banque africaine d’import-export ont officialisé le lancement de la Société africaine de commerce et d’industrie. L’annonce a eu lieu en septembre 2025 lors de la Foire commerciale intra-africaine. Avec un capital initial d’un milliard de dollars, cette nouvelle structure vise à transformer les échanges entre pays du continent. L’enjeu central est de réduire la dépendance aux exportations brutes et de renforcer la production locale pour accroître les échanges internes.
Un projet qui ambitionne de remodeler les échanges
Le démarrage de la Société africaine de commerce et d’industrie (SATCI) n’est pas une simple formalité financière. En dotant l’institution d’un capital de départ avoisinant un milliard de dollars, Afreximbank entend poser les bases d’un mécanisme de développement commercial centré sur les ressources africaines. L’idée est claire : mettre fin au cycle où les matières premières quittent le continent sans transformation pour revenir ensuite sous forme de produits finis à des prix nettement plus élevés.
Cette initiative marque une étape importante dans la recherche de souveraineté économique. L’Afrique, riche en ressources minières, agricoles et énergétiques, n’exploite encore qu’une part limitée de son potentiel industriel. La SATCI se veut un outil capable d’inverser la tendance en favorisant la valorisation locale. Les promoteurs du projet soulignent déjà des premiers essais réussis de commercialisation de produits africains au cours de l’année, preuve que l’idée est passée de la théorie à l’expérimentation avant même son lancement officiel.
Au-delà de l’aspect financier, l’objectif est de stimuler le commerce intra-africain, aujourd’hui limité à environ 15 % des échanges totaux. Pour comparaison, l’Union européenne enregistre un niveau de commerce interne supérieur à 60 %, ce qui illustre l’écart à combler. L’enjeu est donc de créer un environnement où un producteur de cacao ivoirien pourrait plus facilement vendre sa marchandise transformée au Nigeria ou en Égypte, plutôt que de l’expédier brute vers l’Europe.
Afreximbank, un moteur historique de l’intégration économique
La Banque africaine d’import-export, fondée en 1993 et basée au Caire, joue depuis plus de trois décennies un rôle central dans le financement du commerce africain. Sa mission initiale était de répondre à la faible disponibilité de financements pour les exportateurs et les importateurs africains, un handicap qui freinait leur compétitivité face aux marchés mondiaux. Depuis, l’institution a multiplié ses interventions, soutenant à la fois des projets d’infrastructures, des initiatives de diversification des exportations et des mécanismes de financement innovants.
L’action d’Afreximbank couvre des domaines allant du financement direct d’opérations commerciales à l’appui à la création de chaînes de valeur régionales. Elle a également contribué à renforcer des secteurs stratégiques comme l’agro-industrie, l’énergie et la logistique. Avec un réseau de partenariats étendu, la banque se positionne comme l’un des principaux leviers d’intégration économique sur le continent. La création de la SATCI s’inscrit dans cette logique de continuité, tout en élargissant son champ d’action à une dimension plus industrielle et commerciale.
Une nouvelle étape pour l’industrialisation africaine
La SATCI se présente comme une réponse directe au défi du sous-développement industriel. Alors que les pays africains produisent environ 75 % du cacao mondial, moins de 10 % est transformé localement. De même, le continent exporte une grande partie de son pétrole brut mais importe la majorité de ses produits raffinés. La nouvelle structure ambitionne de réduire ces paradoxes en finançant la transformation sur place et en favorisant la circulation de biens à plus forte valeur ajoutée.
À terme, cela pourrait contribuer à la création d’emplois qualifiés et à l’émergence de pôles industriels régionaux. On peut imaginer par exemple une filière textile panafricaine où le coton cultivé en Afrique de l’Ouest serait filé et tissé localement avant d’être distribué dans les marchés africains grâce à la SATCI. Cette approche vise non seulement à renforcer la compétitivité mais aussi à garder davantage de richesses sur le continent.
La question de la compétitivité est également liée aux infrastructures. Le commerce intra-africain souffre souvent de routes dégradées, de coûts logistiques élevés et de barrières douanières. Le rôle de la SATCI sera de proposer des solutions intégrées qui permettent d’optimiser les circuits de distribution et de réduire les obstacles au passage des frontières.
Une initiative porteuse d’implications régionales
L’annonce faite à Alger est aussi un signal politique. Elle témoigne de la volonté croissante des États africains de construire leurs propres outils économiques, sans dépendre uniquement des partenaires extérieurs. Cette orientation correspond à une aspiration partagée : bâtir des chaînes de valeur régionales solides, capables de concurrencer les importations et d’offrir de nouvelles perspectives aux entreprises locales.
Si l’ambition affichée est considérable, le succès dépendra toutefois de la capacité des pays à coordonner leurs politiques commerciales et industrielles. Les divergences d’intérêts, les déséquilibres entre grandes et petites économies, ainsi que les défis liés à la gouvernance devront être surmontés pour que la SATCI atteigne ses objectifs.
Ce projet ouvre une nouvelle page pour l’industrialisation du continent. Il rappelle qu’un véritable essor économique ne peut se construire uniquement sur l’exportation de matières premières, mais sur leur transformation et leur circulation à l’intérieur du continent. Si la SATCI parvient à atteindre ses objectifs, elle pourrait devenir l’un des piliers d’une Afrique plus autonome et mieux positionnée dans le commerce mondial.



