Entre l'Algérie et le Maroc, la Russie ajuste sa stratégie régionale

Pendant plusieurs décennies, Moscou a été considéré comme un partenaire sûr pour Alger. L’URSS puis la Russie ont fourni un soutien militaire constant, faisant de l’Algérie l’un de leurs principaux clients en matière d’armement. Cette relation dépassait le simple commerce : elle représentait une alliance stratégique forgée à l’époque de la guerre froide, consolidée par des exercices militaires conjoints et une proximité diplomatique. Pour Alger, Moscou incarnait une garantie de stabilité et une alternative à l’influence occidentale. Or, cette assurance se fissure aujourd’hui. Le déploiement russe croissant au Sahel et les divergences autour de la Libye remettent en question la solidité de ce lien historique, ouvrant la voie à de nouveaux réajustements régionaux.

Des relations fragilisées avec Alger

Les signaux de refroidissement se multiplient. L’Algérie, qui explore depuis peu une coopération plus étroite avec Washington, voit d’un mauvais œil la présence renforcée des forces russes dans le Sahel. L’installation russes dans des bases militaires maliennes bouscule ses calculs sécuritaires et pousse son armée à repenser ses alliances. Le fait que l’Algérie soit en froid avec les alliés de l’AES, principaux partenaires de la Russie dans la région, n’arrange pas la situation. Parallèlement, le soutien apporté par Moscou au maréchal Haftar en Libye soulève des inquiétudes à Alger, qui redoute une instabilité prolongée à ses frontières. Ce faisceau de tensions traduit une perte de confiance mutuelle, accentuée par les signaux envoyés du côté russe, où l’Algérie ne semble plus bénéficier de la même attention prioritaire.

Une diversification des partenariats russes

Face à ce recul, la Russie développe d’autres pistes. Le Maroc, longtemps perçu comme trop ancré dans les réseaux occidentaux, devient un interlocuteur économique de premier plan. Les importations de blé russe par Rabat se sont intensifiées, atteignant plus d’un million de tonnes en 2025, alors que le royaume cherche à compenser les effets d’une sécheresse persistante. Les échanges commerciaux couvrent aussi les engrais et les métaux, donnant à Moscou une place stratégique dans l’approvisionnement agricole marocain. Cette coopération s’accompagne d’un dialogue diplomatique régulier entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays, preuve d’une volonté de maintenir un canal ouvert.

En parallèle, la Russie consolide sa position auprès des régimes militaires du Sahel, où elle s’est imposée comme acteur sécuritaire incontournable. L’Égypte reste également un partenaire solide, grâce à des accords militaires et énergétiques. Cette diversification illustre une logique de “portefeuille régional” : Moscou limite les risques de dépendance à un seul allié en multipliant ses points d’ancrage.


La Russie semble aujourd’hui jouer une partie d’échecs à plusieurs dimensions. L’Algérie conserve un rôle important, mais n’est plus la seule pièce maîtresse de sa stratégie au Maghreb. En renforçant ses liens économiques avec le Maroc et en s’appuyant sur le Sahel, Moscou dessine une carte d’alliances plus éclatée. Ce mouvement soulève une question centrale : le Kremlin cherche-t-il à compenser la fragilité de son partenariat algérien ou à réorganiser en profondeur son influence dans la région ? Pour les pays maghrébins, cette recomposition pourrait redéfinir les équilibres diplomatiques et sécuritaires dans les années à venir.

1 réflexion au sujet de « Entre l'Algérie et le Maroc, la Russie ajuste sa stratégie régionale »

Laisser un commentaire